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16 octobre 2008

LIVRE : Tropique du Cancer (Tropic of Cancer) de Henry Miller - 1934

Sans_titreBon, là, c'est bien simple : Miller est un de mes deux ou trois auteurs préférés depuis toujours. La lecture de ses livres a tout simplement changé ma vie, vous comprendrez donc que je ne puis être tout à fait mesuré lors de cette énième relecture du Livre Fondateur de la Littérature Mondiale Eternelle, Tropique du Cancer.

C'est le livre le plus libre que je connaisse. La construction, le bon goût, la véracité, la sacro-sainte inspiration divine, la figure de style réfléchie, Miller balance tout ça dans les gogues. Après ses deux ou trois premiers livres laborieux, le voilà qui explose tout, y compris lui-même, dans ce pamphlet bordélique qui révolutionne dans la joie et la violence tous les canons littéraires. C'est a priori la chronique de quelques années passées à Paris, à vivre d'amour et d'eau fraîche, de "grues" peu regardantes sur l'hygiène, de coups fourrés pour se payer un gueuleton et de copains fêlés. Mais à partir de ces souvenirs, dont la plupart sont déformés par la grossièreté et l'amour du mot pur, Miller se lance dans un long flux verbal, fait de milliers de digressions lyriques, d'incantations verbales, et de portraits cubistes. Le résultat laisse pantelant : un monstre désossé, hurlant, anarchiste, malpoli comme c'est pas permis, et pourtant d'une sincérité et d'une poésie sidérantes.

On voudrait hurler au génie à chaque nouvelle envolée, à chaque décrochage de style. La façon dont Miller nous entraîne avec fracas vers l'abstraction pure, à partir d'une pauvre anecdote triviale (la chaude-pisse de son copain ou les chiottes bouchés d'un collège dijonnais) est impressionnante : ça pourrait être le résultat d'un travail stylistique énorme, mais on sent bien que c'est juste dû au lâcher-prise, à la totale liberté que s'octroie HM. Ecrit au fil de la plume, le livre rebondit dans tous les sens, en laissant de sales traces un peu partout. Y éclatent une rébellion extraordinairement vivace vis-à-vis de toutes les vérités établies (littéraires, politiques, morales, narratives), une liberté de ton libérée de toute contrainte de rendement (le gars sait que le livre sera interdit, et s'en tape), et surtout une vision de la vie en roue libre, sans frein, soumise uniquement à la beauté ou à l'horreur des choses. Au coeur de la déchéance financière de ce clochard céleste éclate une joie d'être qui vous transporte. Miller aborde l'existence comme on devrait tous l'aborder : en s'amusant, en hurlant, en crachant à la gueule des vérités établies, en dansant comme un fou. Le livre est pourtant magnifique dans son style (vocabulaire insensé remarquablement rendu par la traduction de Fluchère en Folio), et reste une sorte de livre parfait de ce point de vue-là ; mais sans jamais qu'on sente une volonté de "faire littérature". Miller clame des noms de maître (Cendrars, Bosch, Ravel, etc.), mais sans tenter de les imiter : Tropique du Cancer reste et restera unique dans l'Histoire de la littérature, un livre qui ne ressemble à rien ni à personne, un cri de haine et d'amour au monde poussé par un bébé qui aurait lu tout Céline. Rhâââ que c'est beau !

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