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Shangols
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4 octobre 2008

La Ronde (1950) de Max Ophüls

Max Ophüls nous entraîne dans ce tourbillon amoureux qui bénéficie d'un casting de rêve. Par l'intermédiaire de ce personnage omniscient qui nous prend par la main, nous est contée nous est contée une demi-douzaine d'histoires sentimentales qui semblent faire le tour des relations amoureuses. Les décors sont somptueux, la musique d’Oscar Straus nous fait valser d'une séquence à l'autre et la mise en scène est comme toujours chez le cinéaste réglée au millimètre. Bref, vous l'aurez compris, je suis subjugué par la classe du gars.

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Hommage tout d'abord aux acteurs qui apportent tous une profondeur et une âme à leurs personnages : Anton Walbrook, acteur d'origine allemande malgré son flegme très britannique, promène sa nonchalance et son humour à froid d'un décor à l'autre : personnage chargé de la visite, c’est lui qui guide le spectateur dans les dédales de ces histoires pas toujours romantiques ; Simone Signoret , en prostituée au grand cœur a rarement été aussi belle (les gros plans sur son visage énamouré sont, sur la fin, d'une incroyable beauté) – elle tenait elle-même à endosser ce « premier rôle » pour être sûr de réapparaître en conclusion du film ;  Serge Reggiani amène son côté hâbleur à ce soldat qui collectionne les conquêtes ; Simone Simon est pétulante et apporte une dose d'érotisme terrible à ce personnage de servante prête à s'abandonner ; Daniel Gélin, encore débutant, apporte sa spontanéité, toute la maladresse de jeunesse à ce fils de famille : il succombe au charme de la servante puis aux attraits de la sublime Danielle Darrieux - femme mariée volubile en recherche d'émotion ; Odette Joyeux est... joyeuse et pétillante dans son rôle de grisonne rapidement affranchie ; Jean-Louis Barrault joue au poète imbu de son art, avec son éternelle allure d'adolescent sur le fil du rasoir ; Isa Miranda apporte son charme avec cette voix râpeuse qui fait merveille pour ensorceler les hommes ; et Gérard Philippe enfin, le visage blafard, s'amuse dans ce rôle de comte ivrogne qui finit son périple au bout de la nuit dans le lit de Simone Signoret,  bouclant la boucle.

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Ophüls donne le tournis en usant jusqu'à la trame des figures de cercle, de boucle, de ronde ; les allusions à cette thématique sont multiples que ce soit dans les éléments du décor, la structure narrative, les dialogues ou la technique cinématographique: le manège emporte tout le monde dans son parcours circulaire, les escaliers sont en colimaçon, les mouvements de caméra sont forcément panoramiques, les sentiers sont toujours en épingle, les aiguilles de la pendules entament un circuit infini, le vin et le champagne font automatiquement tourner la tête, la valse fait tourbillonner les couples toujours en quête de plaisirs ... C'est une véritable démonstration dans le fond et dans la forme. Celle-ci ferait presque écho à un film d’un autre cinéaste esthète, Stanley Kubrick : dans Orange Mécanique (A Clockwork Orange), on retrouve en effet cette même passion pour les figures circulaires.  Entrainé sur le carrousel des sentiments, le spectateur a l’impression qu’il s’agit toujours des mêmes éternelles histoires qui se répètent, des « aventures » amoureuses qui sont le plus souvent teintées de déception. Si les attentes amoureuses donnent toujours un véritable élans aux personnages, cet élan ne tarde jamais à perdre son souffle, comme si une corde finissait par s’enrouler autour du cou des personnages.

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Les multiples apparitions du narrateur au sein mêmes des différentes séquences du film sont teintées d'ironie, comme si celui-ci se jouait autant des personnages que du spectateur; deux séquences sont particulièrement - et paradoxalement – relativement « jouissives » : lorsque Daniel Gélin connaît une véritable panne sexuelle, ce narrateur provoque un court-circuit dans le manège ; rapidement cependant on s'empresse de le faire redémarrer pour ne point faire perdre la face au personnage… De même, quand les ébats s'annoncent très chaud entre Isa Miranda et Gérard Philippe, ce même narrateur prend les devant sur la censure en coupant quelques images de la bobine. Cette séquence n’est pas seulement pour se moquer de la censure cinématographique de l’époque ; elle vient rappeler que la pièce de théâtre d’Arthur Schnitzler, dont le film est adapté, a été victime en son temps (au tout début du XXème siècle) de condamnation et d’interdiction – une étude de la sexualité et du désir qui sentait forcément le souffre. (Rappelons d’ailleurs en passant que le dernier film de Kubrick sur les problèmes sexuels d’un couple, Eyes Wide Shut, est également inspiré d’une nouvelle de Schnitzler)

On ressort toujours de la vision de film complètement envouté, prêt à reprendre un ticket pour remonter sur le manège, tout en sachant parfaitement à quel point le cercle est vicieux… Même si cette Ronde est vaine, cela vaut le détour de s'y ac-croche-r, plutôt deux fois qu'une... Un film magique, une œuvre tourbillonnante et vertigineuse. 

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Commentaires
S
Peut-être qu'il y a un petit côté téléphoné dans l'apparition constante de ce narrateur qui tisse "un fil" entre les scènes, rendant parfois difficile l'immersion totale du spectateur dans la fiction de ces saynètes... C'est possible, bon et pis c'est ptêtre autre chose aussi, hein...
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S
J'avais eu du mal avec ce film, même si j'ai beaucoup aimé...
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