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18 septembre 2008

Les Amants de la Nuit (They Live by Night) de Nicholas Ray - 1948

a_20Nicholas_20Ray_20They_20Live_20by_20Night_20DVD_20Review_20PDVD_010Les funestes éditions Montparnasse ont beau tout faire pour nous gâcher la vision de They Live by Night (sous-titres approximatifs, contrastes traités par-dessus la jambe, son sous oreiller), elles n'arrivent pas à bousiller complètement la beauté romantique de ce film âpre et dur. C'est comme ça, les grands films hollywoodiens : il reste toujours quelque chose de magique, même dans une copie usée jusqu'à la corde.

Ray, encore relativement débutant à cette époque, propose une esthétique vraiment audacieuse pour raconter son histoire de bandit au grand coeur amoureux et torturé : toutes les scènes ou presque se passent de nuit, lui donnant l'occasion de tester un grain de pellicule magnifique. Ses contrastes de lumière et ses attentives amours pour les coins d'ombre font la sève de ce film qu'on pourrait qualifier de nocturne, donc. Contraint de fuir la police après quelques hold-up plus ou moins minables, Bowie The Kid entraîne avec lui la belle Keechie ; amourette, mariage, complicité, tout a lieu dans le secret de l'obscurité, rendant leur isolement par rapport au monde encore plus prégnant. Ray décide, autre audace, de se concentrer uniquement sur ce couple, occcap3_theylivebynightultant avec un soin évident les "climax" de la trame : on ne verra pas l'action (braquages, fusillades, règlements de compte), mais les moments entre eux, ceux constitués par les deux amoureux sillonant les routes américaines en se souriant béatement. De petits motels en coins de campagne, de salle de mariage en intérieurs de voiture, les deux tourtereaux vivent leur histoire d'amour au présent, Ray faisant peser sur eux toute la charge du destin. C'est évident, dès le début, que tout ça se finira mal, et les scènes de complicité entre les deux en sont d'autant plus chargées d'émotion. On sent qu'ils vivent une histoire fulgurante, rapide, et Ray s'applique même à faire de cette histoire un condensé d'existence hyper-rapide : ils ont leurs disputes, leurs doutes, leurs bouffées de bonheur, tout ça en quelques jours, tout ça suspendus par un fil. Le rythme du film est d'ailleurs assez sidérant, ça file à une vitesse dingue, quitte à sacrifier des pans entiers d'histoire, quitte à simplifier à mort la trame.

Farley Granger est l'acteur idéal, écorché vif sans esbroufe et en même temps petit bourgeois cap6_theylivebynightconventionnel ; en face de lui, Cathy O'Donnell est époustouflante de sensibilité. On n'a pas trop revu cette actrice par la suite, et c'est une grande perte pour le cinéma : son dernier plan, notamment, est bouleversant, un visage tragique qui exprime 200 sentiments en 3 secondes (résignation, bonheur d'avoir vécu un grand amour, horreur de l'avoir perdu, rebellion,...) Ray est déjà un grand grand directeur d'acteurs, qui se double ici d'un technicien courageux et volontaire. Il a sûrement dû avoir du mal à imposer cette construction étrange, ce dédain du sensationnalisme, cette profonde concentration sur les toutes petites palpitations des coeurs, et ces plans bouffés par l'ombre et le silence. Loué soit-il.

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