Une Catastrophe de Jean-Luc Godard - 2008
On avait dit : TOUT Godard. Le 17 septembre 2008 est donc à marquer d'une pierre blanche, puisqu'en ce jour béni, voici un film nouveau de JLG, qu'on n'avait plus vu à l'oeuvre depuis pas mal d'années (le premier à envoyer à Gols une copie de Vrai Faux Passeport gagne mon respect éternel). Bon, d'accord, c'est un film qui dure 1mn07 exactement, mais 1mn07 de Godard, c'est comme un trait de crayon de Picasso, ça reste un trésor inestimable.
JLG sort donc de sa retraite le temps d'un éclair pour prouver qu'il est encore le meilleur, et qu'il est toujours dans la veine poético-solitaire initiée par les Histoire(s) du Cinéma. Une Catastrophe est une commande du festival de Vienne, et comme à chaque fois qu'on lui fait une commande, le gars répond par une chose étrange, à mi-chemin entre le foutage de gueule et le génie pur. Foutage de gueule, car pour cette fois il ne se foule pas : son film est un quasi copié-collé de ses courts-métrages récents (on reconnaît même un plan de L'Origine du XXIème siècle), jouant sur la même atmosphère, faite de sybillins montages d'images et de sons assez brumeux dans leur intention. Une Catastrophe ne rajoute rien à l'art godardois, en est même une inlassable répétition, bien qu'il ait le mérite de condenser en un temps très court tout son travail depuis 10 ans. Je conseille donc à tous les néophytes de se taper ce court-métrage pour vérifier s'ils aiment JLG ou non.
Mais génie pur, disais-je aussi, car le film, dans sa fulgurance tranquille, s'installe immédiatement dans l'oeil et dans l'oreille, avec cette force inexplicable qui jaillit de toutes les grandes oeuvres poétiques du gars. En gros, on voit deux plans du Cuirassé Potemkine sur fond de cris de tenniswomen (hommage à Daney, je dirais), puis des images de guerre sur fond de bruits d'explosions, et enfin un très beau champ-contrechamp (extrait d'un film de Siodmak, paraît-il) sur fond de poème allemand et de musique romantique. On ne sait pas pourquoi, mais ces quelques éléments simplissimes forment une cohérence esthétique parfaite, nous plongeant immédiatement dans une autre appréhension du monde, dans une approche nostalgique, lente, et désespérée du monde. Chaque séquence est bien entendu séparée des autres par des cartons, qui constituent une phrase étrange ("Une catastrophe… C’est la première strophe… D’un poème… D’amour"). Le tour est joué, et on imagine la tronche des responsables du festival devant répondre aux interviews ("Etes-vous satisfaits du film que Godard vous a envoyé ? Pouvez-vous nous dire ce qu'il raconte ?"). Ineffable (sinon on lui en voudrait), Godard l'est, et peut retourner pour quelques temps dans sa caverne : on a eu notre shoot, on peut attendre quelques temps. A voir entre autres en cliquant sur : GOD
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