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Shangols
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1 septembre 2008

De l'Autre Côté (Auf der anderen Seite) de Fatih Akin - 2007

18764649_w434_h_q80Le décidément intéressant Fatih Akin livre une nouvelle fois un film subtil et parfaitement bien écrit. Assez classique dans sa mise en scène, modeste et discrète hormis quelques élans de caméra sur des décors urbains bien sentis, De l’Autre Côté est par contre très ambitieux dans son scénario, qui peut faire penser à Innaritu dans son foisonnement de trames qui se rejoignent finalement pour dessiner des liens entre les peuples, entre les gens, entre les pays. Soigneusement découpé en trois parties (mais seules les deux premières sont vraiment intéressantes), il nous montre plusieurs destins qui ont pour fond la misère sociale et la tension/incompréhension entre les cultures, l’allemande et la turque. C’est là que Akin est le plus inspiré : dans cette façon subtile de faire de la politique sans esbroufe, en dessinant les contours d’une Europe soi-disant réunifiée mais dirigée par les anciens colonisateurs confits dans leurs ambitions démocratiques. Akin soigne le poids de ses symboles, et jamais cette métaphore géo-politique n’est lourde, le gars n’oubliant pas de construire de vrais personnages forts et 18770872_w434_h_q80se suffisant à eux-mêmes. Dès lors, les relations entre les êtres deviennent les relations entre les peuples : la jeune activiste turque, symbole de la répression des pays « en voie de démocratisation » de l’Europe, ne peut que se heurter à cette société allemande concernée, empathique, mais incapable de comprendre les questionnements de ses voisins turcs (Hannah Schygulla campe d’ailleurs en ce sens un personnage magnifiquement écrit, tout en renoncement moral et en hésitations éthiques) ; le papy ayant totalement réussi son intégration ne peut faire autrement que de considérer la pute turque comme sa possession ; la jeune étudiante allemande ne peut que se faire buter par les enfants turcs que son peuple a contribué à rendre violents. Epicentre de tous ces personnages, le jeune professeur de langue erre comme une âme en peine, échoue dans ses tâches (aimer son père, payer des études à la Turque égarée, sympathiser avec Schygulla), et traîne une figure de fantôme au milieu du champ de ruines des sentiments et de l’Europe (curieuse ressemblance, dans l’aspect 18770876_w434_h_q80blafard et mal rasé, avec Laurent Lucas). Les plans sont très souvent joliment symboliques, comme cette jeune fille qui traverse la mer, comme ces multitudes de vitres et d’écrans qui séparent les personnages, comme ces longs cadres sur des solitudes enfermées dans des décors lugubres, ou comme cette image récurrente de cercueils qui se croisent sur les tapis roulants des avions.

Le film n’est pas parfait, un peu trop long, et par moment trop froid, trop attendu dans sa direction d’acteurs, trop « sérieux » pour ainsi dire. Mais on ne peut qu’applaudir devant la très bonne tenue des ambitions de ce réalisateur, sûrement un des seuls à avoir su récemment parler politique avec intelligence et sang-froid.  (Gols 18/11/07)

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Bien belle analyse de mon camarade (on peut s'envoyer des fleurs parfois, hein ?) sur le symbole des relations entre les personnes et les deux pays, même si je m'offusque tout de même quelque peu de la référence à Inarritu : chez celui-ci le hasard est le principal ressort d'une intrigue d'une énorme lourdeur; chez Akin, les personnages se croisent "par hasard" et cela ne sert jamais à faire rebondir artificiellement la trame. Au contraire même, alors que tous les éléments sont réunis pour que le jeune professeur rencontre la jeune femme qu'il cherche, l'événement n'aura point lieu : c'est là toute la subtilité d'un magnifique scénario qui ne cherche jamais l'effet à tout prix ou à retomber lourdement sur ses pieds. Je trouve également mon camarade un peu dur sur la troisième partie du film, parce qu'elle permet de montrer toute l'évolution des relations générationnelles entre les personnages : cette mère (Schygulla plus extraordinaire que jamais) qui finit par se réconcilier avec sa fille - de façon post-mortem certes, mais l'essentiel est là - et ce professeur qui parvient finalement à pardonner son père. Ce double "pardon" est  porteur d'espoir comme si finalement chacun, à son propre rythme, était capable d'empathie, de comprendre "l'autre côté". En finissant - pratiquement- par la séquence qui a ouvert le film, Fatih Akin boucle la boucle comme s'il voulait donner l'impression que tout finit un jour par rentrer dans l'ordre : le prof a certes mis du temps pour revenir à ce père qu'il avait renié mais il y est parvenu, comme si l'intelligence du coeur et la force du pardon permettaient de vaincre tous les obstacles. Parfaitement sobre dans la mise en scène, récompensé de façon fort justifiée par le prix du scénario à Cannes, ce nouveau film de Akin montre que le cinéaste est définitivement une valeur sure dans le paysage cinématographique "européen".  (Shang  01/09/08)

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