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28 août 2008

L'Après-midi d'un Tortionnaire (Dupa-amiaza unui tortionar) de Lucian Pintilie - 2001

l_apres_midi_d_un_tortionnaireJe découvre Lucian Pintilie avec ce film, et le moins qu'on puisse dire, c'est que ça me donne envie de voir les autres. L'Après-midi d'un Tortionnaire est tout de rigueur, tout de symboles, un film "intellectuel" et scientifique, mais qui a le grand talent de rester d'une simplicité biblique, et qui est même doté d'un humour étrange qui vous assied. Le sujet ne se prête pas beaucoup à la poilade : une journaliste vient à la rencontre d'un ancien tortionnaire de l'époque Ceaucescu, accompagnée d'un vieux professeur ancienne victime de celui-ci. Elle est là pour le faire accoucher d'une parole, pour recueillir son témoignage sur les horreurs qu'il a commises. Mais tout, éléments, famille du bourreau, victime elle-même, va se mettre au travers de l'enquête, et finalement on n'aura droit qu'à quelques bribes de témoignage, heurtées, lacunaires.

Sans_titreChaque séquence semble rentrer dans un immense projet très précisément mis en place par Pintilie : depuis le premier plan, long travelling à l'intérieur d'un train qui se clôt sur un symbole triangulaire représentant Dieu (et l'image du tortionnaire qui vient se placer en son centre), jusqu'au dernier plan fixe représentant la maison de "retraite" du vieillard entourée de barbelés, le processus est implacable. Pintilie sature son scénario de symboles, mêlant le rêve à la réalité, l'absurde au concret, la tragédie à la farce : un arbre somptueux au pied duquel se déroulent les horreurs, une naine pour montrer l'ensemble des victimes des barbaries, quelques fascistes d'aujourd'hui représentés en maillot de foot... tout fait signe, tout pèse son poids d'allégorie, et pourtant tout est léger et drôle. Pintilie arrive à parler tout simplement de l'impossibilité de communiquer l'indicible, et le fait à travers les images.

1La charge contre ses contemporains est frontale. Si la Roumanie d'aujourd'hui ressemble à ça, on fait bien d'habiter où on habite : tout se passe comme si la population roumaine dans son entier refusait de revenir sur cette période (l'épouse aveugle qui coupe sans arrêt la parole à son mari pour l'empêcher de raconter), voire en était nostalgique : ce groupe de jeunes qui vient menacer le bourreau veut retrouver une Roumanie pure et blanchie, et le monde paisible créé par l'ancien tortionnaire ressemble étrangement à son passé : maison entouré de palissades, ruches évoquant les baraques des prisonniers, etc. Même l'ancienne victime se trouve réduit à un petit vieux incontinent et pêteur, qui s'endort régulièrement au cours de l'interview.

l_apres_midi_d_un_tortionnaire2Malgré ce refus populaire de revenir sur ses fautes, Pintilie parvient, par la bande, à évoquer pas mal d'horreurs concernant les tortures. Au pied de son arbre, il pose des éléments du passé du bourreau, enfance triste, scènes oniriques, et surtout cette femme mystérieuse ayant pris une part plus qu'importante dans ses exactions. Malgré le silence, on en vient à frôler l'horreur pure : la fascination sexuelle pour l'extrême violence. Le sujet pourrait être insupportable, mais Pintilie filme tout ça dans la lumière buccolique et dans la tranquillité, se permettant même quelques gags absurdes à la Tati. C'est d'une maîtrise parfaite, et c'est sûrement le seul moyen de parler de l'horreur. Spielberg et son Schindler doivent pleurer de rage.

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