En Rachâchant de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet - 1982

Un court-métrage absolument jouissif et qui détone franchement dans l'oeuvre exigente du couple infernal. Ernesto ne veut plus aller à l'école, parce qu'on y "apprend des choses qu'on ne sait pas". Ses parents alarmés l'emmènent devant le professeur, dans une confrontation poilante entre rebelle en herbe et vieillard confit dans ses convictions.

Straub et Huillet organisent un duel de haut vol entre les deux entités : d'un côté, une jeunesse sympathique et insolente, de l'autre un monde vieillissant et austère. On compte les points avec jubilation, le petit à lunettes ayant réponse à tout. Si le prof demande "qu'est-ce que c'est que ça ?" en montrant un papillon cloué au mur, le petit répond effrontément "un crime", et on pense au cancre de Prévert. La mise en scène rend réellement palpable le face-à-face, grâce à une succession de champ/contre-champ fixes, légèrement illogiques dans l'espace, et au rythme saccadé très étrange. Le texte (de Duras) est dit avec une sorte d'à-plat qui fonctionne à mort, et on a l'impression d'assister à un film inédit de Jean Vigo dans cette célébration de l'insolence et de l'enfance. Pour une fois, les Straub délaissent leur univers spartiate pour livrer un film quasi-jeune public, très simple et très drôle, d'où sortent vainqueurs la mauvaise foi, la frontalité et la jeunesse. Tout de simplicité et de grâce, En Rachâchant est un délicieux petit objet délibérément à part.

Tout Straub et tout Huillet, ô douleur : cliquez