Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
2 août 2008

Un Condamné à Mort s'est échappé ou Le Vent souffle où il veut (1956) de Robert Bresson

ae_man_escaped_PDVD_007

Vous voyez Prison Break ? Eh ben l'inverse. Un noir et blanc grisâtre, en B.O un Mozart des grands soirs, en héros un type taillé dans une pipe en bois, en décors la moitié du garage paternel. Quand Michael Scofield a besoin d'une corde, on lui file dans la minute un article de pro de chez Décathlon avec encore le prix dessus; chez Bresson, notre gars a deux chemises, une paillasse, une lame de rasoir Gilette effilée et le fil de fer de son lit : cela lui prend trente minutes, en temps réel, pour tresser un mètre de corde, aucun doute, c'est un plan séquence. C'est toute la différence entre le spectacle cinématographique et l'art cinématographique. Certes, 24 épisodes de Bresson à la suite, c'est un truc à faire des cauchemars la nuit et à devenir claustrophobe. Forcément on est dans le ressenti, pas dans la conso, mais cessons de faire le mariole.

PDVD_01113

Bresson ne prend personne en traître, il résume son histoire dans son titre en ajoutant même pour le fun une formule sibylline qui sent le haïku ancestral. Ensuite c'est une histoire de gros plans sur une main qui tremble post6avant d'ouvrir une portière de voiture, sur des pieds en chaussettes qui crissent sur le gravier, sur deux mains qui s'échangent subrepticement un message : tout a son importance, le moindre faux pas et c'est la fusillade assurée, on est pas chez les super héros. La mort d'un homme n'a jamais été un spectacle et quand il s'agit de fusiller des condamnés ou de tuer un garde allemand de ses mains, vous pouvez parier que vous aurez droit à du hors champ. Seulement lorsqu'il s'agit d'éprouver la même peur que le protagoniste, à ce moment-là Bresson cartonne, la preuve, j'ai encore les mains moites en tapant ce bref billet - la chaleur joue aussi, peut-être. Une des scènes les plus brillantes (il y en a autant que de plans, mais je fais un peu le faux-cul) est lorsque le condamné, en train de prendre la fuite, se met les deux mains sur son coeur pour ne point que le soldat, qui fait sa ronde, ne l'écoute. Point la peine d'ajouter un poum-poum artificiel, le truc on l'entend résonner dans le silence (essayez, c'est impossible à faire). Le peu de dialogues tout comme le récit narré par la voix-off sont d'une sécheresse... bressonienne, pas un mot de gras, que du concentré, du précis, de l'efficace. La caméra a le don de s'effacer - de toute façon il n'y a pas la place pour mettre une équipe technique dans la cellule, soyons lucide - et on assiste, par le menu, à cette échappée belle qui tient du miracle.

wall

Sec comme un coup de trique, le film est carré comme une cellule de prisonnier, âpre comme la soupasse qu'il faut avaler pour tenir. Le récit d'une volonté qui y croit dur comme fer, comme le vent qui souffle à travers les barreaux. Brisons-là, comme dirait Ponge, sinon je vais commencer à dire des âneries (Balthazar ?, au hasard) encore plus grosses. Essentiel.

tout sur Robert : ici

Commentaires
Derniers commentaires