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23 juillet 2008

La Lune dans le Caniveau de Jean-Jacques Beineix - 1983

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Ah voilà l'occasion de vérifier que les amours de jeunesse prennent quelques rides avec le temps. Sûrement trop ébloui par 37°2 le Matin, j'avais fait à l'époque de ce précédent opus beineixien un objet de vénération ne souffrant aucune réserve. Ca va, on peut se tromper.

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La Lune dans le Caniveau est proche de l'infâme. Mais il est intéressant en ce qu'il montre comment un cinéaste tout-puissant, à qui on laisse les coudées franches, peut se laisser totalement déborder par sa mégalomanie. Beineix joue donc au petit malin, et invente une esthétique aux confins du mauvais goût. Pas avare en couleurs primaires, son film dégouline par tous les bords de rouge carmin, de bleu électrique et de jaune canari, si bien qu'on a un peu l'impression de se trouver devant un patissier shanghaien : les yeux sont au bord du vomissement, si je peux me permettre cette accrobatie improbable. Chaque plan de La Lune dans le Caniveau est surchargé de ces couleurs jusqu'à l'écoeurement. Si ça fonctionne parfois, notamment sur les plans larges qui donnent à deviner une belle conception du décor de studio, c'est insupportable la plupart du temps. Malgré les efforts évidents de Philippe Rousselot pour rester digne au milieu de ce sachet Haribo fondu, l'esthétique pubesque prend le dessus, et on a bien le sentiment d'être dans le point de non-retour de ces néfastes années 80.

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Jouant les intellos avec roublardise, Beineix met son point d'honneur à ralentir tous les évènements de la trame, pour laisser voir sûrement le génie de son oeil (beuark), mais aussi pour exprimer un mystère qu'il voudrait bien ineffable. Chaque séquence se voudrait mythique, dans le travail sur le son, dans celui sur les couleurs, dans ces lignes de dialogues solennelles et beaucoup trop démonstratives, dans le jeu des acteurs déifiés sans raison. Mais le résultat est d'une lourdeur affligeante. Si pendant une demi-heure ça fonctionne, tant qu'on reste dans la découverte des personnages, on tombe très vite dans un pathétique travail de crâneur convaincu de son génie. Le scénario se délite doucement, et le style avec lui, tombant allègrement dans le grand-guignol total : il faut voir Depardieu s'écroulant comme une masse, une Vierge lumineuse à la main ; il faut voir Kinski prendre ses poses de femme fatale ; il faut voir le jeu surligné de Dominique Pinon ; tout est affligeant de volonté arty. Quand on se souvient qu'à la même époque naissaient les premiers films de Carax, on se rend compte de l'ampleur du désastre.

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Perdus dans ce chamallow visuel et scénaristique, les acteurs tentent de sauver les meubles. A ce jeu, c'est depardieu qui s'en tire le mieux. Il utilise merveilleusement son corps, ses yeux tristes et sa voix douce, et parvient à tirer de la catastrophe quelques scènes casse-gueule. En roue libre, il semble pourtant souvent plus attrsité par ce qu'il a à jouer que par les malheurs de son personnage. A l'autre bout du spectre, Victoria Abril est nulle, mais ne lui jetons pas la pierre : elle a les répliques les plus nazes, rien à garder là-dedans. Les autres sont rduits à des stéréotypes, Beineix étant visiblement bien trop occupé à régler la lumière qui va tomber sur eux pour leur accorder la moindre attention. Le pire est atteint avec ces deux grognasses de bas-quartier à la voix stridente, qui font définitivement tomber La Lune dans la Caniveau dans l'indigence totale. L'argent public s'en va dans les méandres de la grosse tête d'un faux génie, on ressort consterné devant la plupart des idées. Un film pour rien, qui aurait sa place dans un musée sur les années 80 à côté de Birdy ou de Top Gun. Oh mon bateau !

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