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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
12 juin 2020

La Pointe-courte (1954) d'Agnès Varda

Tout premier film réalisé à l'âge de 25 ans par Agnès Varda (qui deviendra à tout juste 30 ans une très jeune grand-mère de La Nouvelle Vague) et déjà un ton très attentif "aux petites choses de la vie". Elle avoue s'inspirer pour la structure de son film d'un livre de... Faulkner, Wild Palms, où deux histoires sont "montées" en parallèle. Dans La Pointe-courte, elle alterne la vie intimiste d'un jeune couple, marié depuis quatre ans, et la vie sociale de ces pêcheurs de ce petit village du sud de la France situé près de Sète. Porté par un noir et blanc d'une belle luminosité, filmé avec les moyens du bord et avec de courts travellings-avant réalisés pour nous faire pénétrer dans ces petites maisonnées, l'oeuvre garde, 50 ans après, son aspect novateur et un incroyable charme réaliste.

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Philippe Noiret (24 ans, tout jeunot) revient dans le village de son enfance aux côtés de Silvia Monfort, blonde parisienne, pour de petites vacances en forme de bilan amoureux. Chaque plan est volontairement très soigné, Varda jouant de la position des visages, face-à-face, côte-à-côte, l'un de profil l'autre de face, et les acteurs récitent leur texte sur un ton un peu affecté mais sans dramatisation inutile pour savoir si oui ou non il leur faut rester ensemble ou se séparer. Discussions sur les différences de leurs attentes dans la vie, de leur origine, volonté de comprendre quel fil les relie et surtout si, après quatre ans d'amour brouillon, de découverte passionnée, il est temps de couper les ponts ou de passer à des amours adultes, moins vives mais plus sereines. En parallèle on suit les pas de ces pêcheurs, cabanes remplis d'une ribambelle de gamins, repas de spaghettis, jeu du chat et de la souris avec les autorités, amours naissantes entre jeunes voisins sous le regard protecteur des parents, scènes de pêche de la vie quotidienne... avec ici et là toujours un chat ou un chaton dans le cadre qui traine sa légère carcasse au soleil. Le ton est beaucoup plus vivant, plus "aéré", même si Varda, qui a tourné entièrement en muet, a post-synchronisé toutes les voix. Le montage de Resnais fait la part belle à ces longues séquences sur lesquelles souffle le mistral, enchaîne tranquillement les scènes dans lesquels respirent les vies de ces personnes modestes.

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Varda semble trouver de façon innée la parfaite distance avec son sujet tout en jouant avec une construction d'une grande originalité. Elle comble le manque de moyen avec un grand soin et une évidente rigueur dans le scénario lui permettant de savoir exactement ce qu'elle veut transmettre à l'écran. Coup d'essai, coup de maître, la carrière de l'Agnès qui n'a jamais fait de quelconque compromis à ces principes de départ, venant corroborer ce regard unique porté sur les gens de peu, nous.   (Shang - 30/06/08)

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Sous le charme de ce film que je n'avais, à ma grande honte, jamais vu, alors que j'habite à quelques kilomètres de cette fameuse Pointe Courte. Quartier qui, première constatation, n'a pas bougé d'un poil depuis le film : mêmes gros bordel de filets de pêcheurs emmêlés, mêmes vieux qui te regardent de traviole dès que tu n'es pas d'ici, même calme total de bout du monde, mêmes vieux chats tout pelés, même sensation de quiétude... Le gars Noiret revient donc en ses terres de jeunesse et convoque Silvia Monfort pour tenter de recoller les morceaux de leur mariage qui part en vrille. Et Varda les regarde marcher nonchalamment dans le petit quartier, échanger des considérations sur l'amour et le temps qui passe, observés par les autochtones. Le film réussit le pari risqué d'implanter un intellectualisme littéraire grand cru au sein d'un milieu populo. La greffe prend parfaitement : la film oscille sans cesse entre documentaire et fiction, et est aussi satisfaisant d'un côté que de l'autre.

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Même si la mise en scène poético-coctalienne des scènes de dialogues a un peu vieilli, et ne ressemble pas au cinéma libre de Varda par la suite, on note tout de même la beauté du texte, qui parvient à être pertinent et sensible tout en restant très théâtral dans l'exécution et dans le jeu des deux acteurs. Ces deux-là semblent complètement ailleurs, peu sensibles au contexte qui les entoure, comme si cette histoire était intemporelle. On grince un peu des dents devant ces plans milimétrés où les visages se superposent (n'est pas Bergman qui veut) et devant la cérébralité de ces scènes d'amour, mais après tout elles sont bien de leur époque : Varda aime le théâtre, son passé en atteste, et on ne peut lui reprocher de tenter la transposition dans son univers rural de la grande littérature. D'autant que encore une fois, l'ancrage dans le paysage est très réussi : la partie documentaire est superbe. Varda connaît tout de ces petites gens débrouillards et grande gueule, de ces joutes folkloriques, de ces mini-remous sur la surface de l'étang de Thau, de ces combines pour aller pêcher les coquillages sans se faire choper par les flics ou les touristes intoxiqués. Elle filme donc ça avec une tendresse totale, octroyant à ces petits personnages un cachet authentique qui fait chaud au coeur. On aperçoit le quotidien de ces gens, un peu à la manière d'un Rosselini, et elle arrive en plus à leur faire jouer des petites scènes de fiction dont ils se sortent très bien. Photo magnifique, musique attachante, montage minutieux, que du bien à dire de la chose, déjà très maîtrisée pour un premier film. Mélancolique et raffiné.   (Gols - 12/06/20)

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