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16 mai 2008

Nowhere de Gregg Araki - 1997

doomgeneration9On ne peut pas dire que Araki y aille de main morte quand il s'agit de faire du style. Nowhere est une énorme patisserie colorée et bruyante, le genre de film qui pourrait gaver en moins de deux, et qui a bien failli le faire avec moi. Dans les premières minutes, on est agacé par ce "sur-style", par cette façon trop voyante de se mettre en avant, d'évacuer les personnages et la trame au second plan pour briller : un montage hyper-saccadé et parfois maladroit, un aspect "trop produit" de chaque élément (sons, voix, costumes, lumière), des cadres qui se refusent à être simples, des ombres de personnages... On se dit qu'Araki n'est pas dans le bon rythme, et on cherche un peu ce qu'il a envie de nous raconter (mis à part qu'il est un génie de la mise en scène fashion). Une sorte de Danny Boyle érotique, quoi, et là, prêtez-moi deux doigts.

nowherePourtant, il y a déjà là quelques trucs qui intriguent, qui font préssentir un vrai regard : comme ce tout premier plan, qui montre un écran immaculé avant d'opérer un travelling pour cadrer le héros nu sous sa douche, comme perdu au milieu de l'immensité du cosmos, bien vu ; ou comme cette façon crue mais sensible de parler de la sexualité, par des corps jeunes qui se heurtent, se frottent, se suggèrent des choses, voire plus si affinités. Araki sait filmer la jeunesse, pas de doute, sait rendre compte de cette énergie, sait s'effacer devant les codes vestimentaires ou comportementaux étranges (une partie de cache-cache considérée comme le fin du fin de la tendance actuelle). Petit à petit, passé la surface de ce film quand même très superficiel, le coeur du discours perce avec intelligence : plus que Boyle, c'est finalement Easton Ellis qu'on reconnait, pour ce portrait d'une jeunesse désabusée, abandonnée à la jouissance et malheureuse comme tout ; ou Selby, pour cette morale qui sous-tend de nombreuses actions, représentée par un prêcheur télévisé de la plus belle eau. On est bien là dans ce portrait de l'Amérique livrée au sexe, à la drogue, à la fête à tout prix, au meurtre même. Quelques scènes bluffent par leur audace : des parents qui parlent à leur fils dans une langue étrangère et avec un sourire béat, un clown macabre qui traverse l'écran (avec un chien mort dans les bras, d'ailleurs, le dealer d'Araki est un bon gars), un viol qui se permet d'être drôle dans la violence, une fête toute en décadence magnifiquement rendue, un final très étrange...

untitledLe film s'imprègne petit à petit de motifs pop-art bien signifiés, même si souvent lourdement amenés ; il y a même un assassinat à coups de boîte de tomate, merci Andy. Araki filme ces icônes, ces motifs sans profondeur, et en use les représentations à force de les vider. Nowhere devient une pure forme où tout est permis, à l'instar de ses personnages nihilistes. Dès lors, le fantastique peut surgir, comme la violence, comme la farce la plus improbable, et le gars ne se prive pas de pulvériser toutes ses pistes à coups d'aliens visqueux, de massacres sanglants ou de saillies de mauvais goût. La trame explose, et seuls priment en fin de compte le rythme, l'énergie, et la forme du film. La rapidité des plans, finalement, s'impose avec une belle force, comme les personnages, comme la mise en scène spectaculaire. Ca reste très poseur, mais après tout comment parler d'une société totalement livrée au spectacle et à l'artificiel sans adopter soi-même ces codes ? Ca ne dit rien de plus que ça : la jeunesse est incompréhensible et abandonnée, mais ça le dit avec éclat et personnalité. Araki est décidément bien intéressant.

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