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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
11 mai 2008

Une Femme disparaît (The Lady Vanishes) (1938) d'Alfred Hitchcock

The Lady Vanishes est une grande réussite de bout en bout et on est prêt à pardonner à Hitch le premier plan sur la maquette de la petite gare ferroviaire dans les montagnes - d'autant que les mouvements de deux des trois figurines sur le quai de la gare sont finalement assez poilants. Le rythme est aussi enivrant que l'air pur des montagnes et on retrouve une multiplicité de scènes et de thèmes typiques de Bouddha. La nouvelle copie de la version Criterion est au diapason de cette oeuvre.

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On ne sait par où commencer : la première partie dans l'auberge est virevoltante, la seconde dans le train est intrigante, le dénouement est pétaradant. L'histoire de cet homme et de cette femme que tout sépare au départ mais qui se voient obligés de faire équipe pour résoudre une énigme (Margaret Lockwood et Michael Redgrave forment un 3_box_348x490petit couple épatant) est pourtant ultra-classique chez Hitch. De même que la situation dans laquelle se retrouve Margaret : persuadée d'avoir raison, elle se retrouve face à un mur d'incompréhension... Heureusement que son charme, et un certain concours de circonstances, (cette étiquette de la boite de thé qui vient se coller contre la vitre...) entraîne le Michael sur ses pas. L'évolution des relations du couple est déjà assez intéressante en soi dans l'œuvre de Bouddha pour qu'on s'y arrête deux minutes: voilà deux personnes qui couchent d'abord dans la même chambre suite à un malentendu (Margaret est à l'origine de l'exclusion de Michael de l'hôtel), s'ensuit une tension terrible entre eux; puis Margaret n'a d'autre choix, devant l'incrédulité générale, que de faire de Michael son partenaire d'enquête : ils jouent même lors d'une scène à Sherlock Holmes et Watson. Ils se retrouvent malgré eux dans un corps à corps assez violent (la découverte de la sexualité a po dû être des plus faciles chez notre Hitch...) lors d'un combat contre un tiers... un certain respect naîtra voire même une certaine amitié et enfin... l'inévitable ne pourra être évité... Bien joli baiser de clôture. Tant qu'on est dans l'"érotisme", la séquence de Margaret avec ses deux compagnes de chambrée dans l'auberge est également assez chaude... et glaçante; il faut un certain flegme du garçon d'hôtel pour garder son flegme devant ces trois gorettes un peu fofolles à moitié dévêtues : allumeuses mais distinguées - voire distantes -, tout Hitch dans une assiette.

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On pourrait également évoquer le thème de la magie avec cette scène dans le compartiment du train où se trouvent les affaires du magicien italien... Nos deux compagnons disparaissent tour à tour, se donne en spectacle devant trois lapins dans un chapeau (mortel) et confondent la pauvre Mrs Froy qui a disparu (ah ben oui tiens au fait, c'est ça le Mc Guffin) avec un veau dans sa malle (super classe): fantaisie et humour du meilleur goût qui là encore s'enquillent sur un rythme trépidant. Il y aurait aussi beaucoup à dire sur la passion de Hitch pour les trains (les effets spéciaux fonctionnent tous parfaitement), sur le complot politique (on est en 38, on sent bien que l'atmosphère d'espionnite, de guerre et de d'alliance bat son plein) et sur les petits détails qui flinguent (mention spéciale à la nonne aux talons hauts). L'intérêt principal réside cependant surtout dans cette idée d'être "seul(e) contre tous";  il y a bien quelque chose de troublant et d'étrange dans l'évanouissement de Margaret (pas de bol de recevoir un pot de fleur sur la tête quand on est pas la cible visée) ou dans cette malade-momie qui monte dans le train au premier arrêt, mais l'intrigue reste dominée par ce combat de Margaret pour faire triompher la vérité - alors même que toutes les apparences sont contre elles. Tous les autres personnages du train sont d'ailleurs parfaitement crédibles et ont une raison, très personnelle, de faire de fausses déclarations (ce couple illégitime qui ne veut pas de publicité ou ces deux hommes fans de criquet qui feraient tout pour ne pas être retardés...). Pas facile de lutter face à ce véritable complot sans tomber dans la paranoïa... Mais si chez Hitch les apparences sont trompeuses, vers la fin du spectacle le voile se lève juste avant que le rideau ne retombe. Et la femme de (ré)apparaître dans toute sa splendeur...   (Shang - 02/12/07)


untitledBien vue, cette théorie shangienne sur l'érotisme rentré du bon Bouddha dans ce film. Quelques arrêts sur image sont effectivement bien troublants, notamment dans la première partie, à l'auberge : le trio de jeunes filles qui enterre le célibat de l'une d'elle (on aperçoit une belle paire de fesses), le rapport très ambigü entre celle-ci et le joueur de flûte (très proche de la longue scène torride dans l'hôtel de The 39 Steps), ou les deux vieux garçons qui se retrouvent dans le même lit avec un seul pyjama (l'un a gardé le pantalon, l'autre la veste...) face à une bonne taquine et tentatrice. La domination, l'homosexualité, le fétichisme, l'échangisme (le couple illicite est lui aussi bien trouble) sont présents tout au long de The Lady vanishes, ce qui l'éloigne franchement de la simple fantaisie qu'il affiche.

2Le scénario, comme souvent dans cette période de la carrière de Hitch, est magnifique, sans cesse amusant et surprenant. L'idée de base est très bonne, proche des petits polars de gare genre Maurice Leblanc : la disparition d'une gentille vieille dame dans un train en marche. La trame frôle ainsi le fantastique pour la bonne Margaret Lockwood, que tous les personnages (et nous avec) soupçonnent de folie hallucinatoire. Hitch nous trimballe tranquillement de doutes en coups de théâtre, aidé par une pleiade de seconds rôles inquiétants à souhait (le magicien italien au grand sourire niais, l'austère Mrs Todhunter, le sirupeux militaire allemand), qui sont toujours sur la corde raide entre l'humour et la terreur. On se croirait dans un épisode de Twillight Zone, ou dans Hitchcock presents. Le couple de Britanniques vieille école est un modèle d'écriture : complètement déconnectés du monde qui les entoure, 3uniquement préoccupés de bienséance et d'élégance, ils sont un des pivots du danger par leur bêtise nationaliste ; mépris des étrangers, incapacité à accepter l'autre, enfermement dans les convenances et les conventions de leur folklore personnel, ils sont une caricature très acide de l'Anglais moyen, bien vu. Les détails de l'intrigue, quant à eux, représentent une sorte d'archétype du mépris de la vraissemblance hitchcockienne : à chaque coup de théâtre, on se rend compte de l'artificialité du scénario, et le plus bluffant, c'est qu'on s'en fiche complètement. La solution du mystère (je suis pas chien, je me tais) est un summum d'improbabilité, et on sent bien que Hitch est beaucoup plus intéressé par l'énigme de base (faire disparaître quelqu'un dans un lieu clos) que par sa solution. Il a bien raison, le bougre : c'est un grand plaisir de fantaisie, un pur amusement de spectateur.

1Quelques plans sont immenses : la maquette du début (pour ma part, je suis un fan inconditionnel de ces trucages approximatifs qui jalonnent l'oeuvre de Bouddha, maquettes, transparences, objets démesurés), le dynamisme de toute la partie à l'auberge, et surtout ce cadre 100% Hitch : un verre empoisonné en très gros plan, avec le visage du méchant en légère contre-plongée derrière (la photo, là, à gauche); une façon de dramatiser un détail anodin que Hitch a repris dans presque tous ses films (entre autres, le verre de lait de Suspicion, ou la bouteille de champagne de Notorious). Pour le reste, voyez la critique de mon collègue, je suis d'accord avec tout.   (Gols - 11/05/08)

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Commentaires
J
Dans sa filmographie, ce film se distingue par le brio mutin des dialogues et un ton mi-fantaisie, mi-aventure, dû aux brillants scénaristes.
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