Ratatouille de Brad Bird - 2007
On va sûrement penser que j'ai perdu mon âme d'enfant, me faire remarquer que Ratatouille est très mignon et ravit nos têtes blondes, que c'est une prouesse technique et que je me prends trop la tête sur un dessin animé bien innocent. OK. Je veux bien reconnaître que la technique est bluffante (l'animation des personnages humains est incroyable de réalisme) et qu'on passe un moment pas trop mauvais à suivre les péripéties de ce petit rat qui rêve d'être cuisinier. Il y a des gags, de l'action, de l'amour et un happy end, rien à dire, c'est de l'ouvrage propre, calibré au millimètre et joliment coloré.
Il n'empêche que c'est quand même gonflé de la part de Disney Prod de nous servir un discours sur une certaine exception culturelle (en l'occurence la cuisine française) à travers un produit aussi asservi au mondialisme et à l'uniformisation des goûts. Il y a quelque chose de franchement putassier à fustiger ce patron de resto (petit, laid et mesquin) parce qu'il vend le nom d'un grand cuisinier pour produire des burritos et de la bouffe chinoise. "Oh honte à lui ! Et la Grrrande Cuiiiisine Frrrrançaise !", lui hurlent les sbires de Disney qui ont écrit ce film. Ben oui, tu m'étonnes, si tous les gens du monde se mettent à manger la même chose, quelle horreur, suivez mon regard. C'est oublier que Ratatouille est avant tout un produit marchand, qui s'efforce avec une belle fièvre de plaire à tout le monde, qui présente un Paris de carte postale (l'axe infernal : La Môme/Amélie Poulain) qui devrait ravir tout le monde du Japon au States et de Bamako à New Dehli, qui lisse toute trace de laideur (le monde souterrain des rats est éclairé comme une suite du Ritz) de peur de perdre un seul spectateur, qui sert un discours bien universel qui réchauffera tous les coeurs (tout le monde peut être un grand artiste, petit, mais faut bosser et être gentil), bref un film Disney dans toute son acception. Prôner l'impureté en produisant un produit Javel, très fort.
Quant aux fâcheux, ils tiennent tout entier dans un seul personnage : le CRITIQUE (roulement de tonnerre et bouh du public). Il est bien sûr cadavérique, austère et méprisant, et ressemble à Nosferatu puisqu'il ose dire du mal de ce qu'il n'aime pas. "Comment un homme aussi maigre peut-il aimer la cuisine ?", se dit le jeune héros, et son public bouffeur de pop-corns avec lui. L'ennemi disneyen est désigné, cherchez pas. S'il n'y avait pas les critiques, le monde serait bien plus beau, non ? Heureusement, celui-ci fait sur la fin son coming-out d'enfant, en retrouvant le goût des choses simples (la ratatouille de sa jeunesse), et écrit un mea culpa vibrant et auto-flagellant sur son abus de pouvoir. Promis, il ne dira plus de mal, et le monde sera pur.
Une jolie musique, sinon.