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20 avril 2008

Témoin à Charge (Witness for the Prosecution) de Billy Wilder - 1957

picture_5Si Witness for the Prosecution n'est pas totalement satisfaisant au niveau technique, ce n'est pas grave : son scénario est si retors qu'il faudrait vraiment faire preuve de mauvaise volonté pour ne pas être scotché devant cette intrigue policière à rebondissements, qui vous laisse littéralement sur le cul. Bon, je ne suis pas un grand fana de littérature policière, et peut-être qu'un habitué serait blasé devant ces 14000 coups de théâtres dans les 5 dernières minutes : moi, j'ai fonctionné à mort. Je prenais des petits airs blasés tous les quart-d'heure, très fier d'avoir décelé toutes les clés de l'énigme ; eh bien pas du tout, je n'avais rien saisi. De ce côté-là, le plaisir est total, enfantin et un peu vide certes, mais total. Une voix off demande au générique final de ne pas dévoiler la conclusion du film, et c'est vrai que ça serait salaud.

temoin_charge_2007C'est un peu dommage que pour une fois, Wilder se concentre uniquement sur son intrigue, et qu'il oublie un peu son génie de metteur en scène. Mais à son crédit, le film est très difficile à faire, et ménage très peu de possibilités. La moitié de Witness for the Prosecution est une scène de procès, en lieu unique bien sûr, et on se frotte les mains en imaginant ce que la fantaisie wilderienne habituelle va tirer de cette contrainte. Mais elle n'en tire pas grand-chose. Certes, c'est très "bien fait", le gars alterne les plans d'ensemble et les gros plans avec panache, et fait montre d'un beau sens des détails au sein de ce lourd contexte : Laughton est systématiquement filmé seul, en train de s'amuser avec ses pilules ou de se prendre la tête dans les mains ; les temoin_charge_2006autres sont filmés en groupe, comme une masse dressée contre lui. Les regards se croisent, s'adressent des messages muets, et c'est vrai que Wilder excelle dans ces relations sans parole, aussi importantes que les longs témoignages des personnages. On ne s'ennuie pas une seconde. Mais on a parfois l'impression que la contrainte du lieu unique bride l'invention joyeuse qu'on connaît dans d'autres films de Billy : ici, c'est sagement pro, pas plus inventif que dans d'autres films de procès.

Heureusement, il y a d'autres scènes bien plus fantaisistes, comme un beau flash-back muet autour de la vente d'un chapeau, ou temoin_charge_2010comme cette longue première séquence chez l'avocat, où le décor et les acteurs sont utilisés avec énergie : un siège élévateur qui ne cesse de faire des allers-retours, des portes qui claquent, des profondeurs de champ très jolies, le tout dopé par l'attention légendaire de Wilder pour les petits rôles (ici, une infirmière véloce ou un majordome dépassé). Dialogues au taquet, sens du rythme impeccable, on est bien chez Wilder. Pourtant, sa direction d'acteurs est un peu paresseuse. Chacun est sagement dans son emploi : Laughton en homme de loi grincheux et fin comme un renard, sort sa célèbre panoplie de cabotinage, qu'il endosse très bien, mais qu'on a déjà vue ailleurs ; Dietrich joue la femme fatale, un peu salope et pleine d'amertume qu'on lui connaît ; et Tyrone Power a bien du mal à faire croire à son personnage de VRP fauché, et ne rend jamais compte de la pression WitnessForProsecut47policière qui pèse sur ses épaules. Il faut dire aussi que son personnage est injouable, très complexe dans l'intrigue sans qu'il ne puisse en montrer les nuances (mais je m'arrête là pour ne rien dévoiler).

Un vrai plaisir de cinéma à l'ancienne, finalement, haletant dans l'intrigue et rigolo comme tout.

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