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17 avril 2008

La Vie Nouvelle de Philippe Grandrieux - 2002

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Voilà le film qu'on attendrait de David Lynch, mais que celui-ci est désormais incapable de faire depuis qu'il est devenu David Lynch. La Vie Nouvelle est une expérience sensorielle totalement borderline, une plongée dans un univers stupéfiant de sons industriels, de pulsations, d'images striées et de noirceur. C'est du cinéma comme on n'ose plus en rêver, de peur de mal dormir d'une part, mais surtout d'autre part parce que c'est un cinéma libéré de toute contrainte, intérieur et urgent, fiévreux et malaisé, qui crache haineusement à la gueule de tous les autres.

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Le scénario, très brumeux, perdu dans les formes abstraites, est pourtant terrible dès les premières secondes : un groupe de gens figés dans la brume ; la caméra s'approche de quelques-uns d'entre eux, les filme en gros plan dans la durée, puis change de visage. Enfin, elle s'emballe : elle a trouvé ses victimes, ses candidats à cette "vie nouvelle" qui sonne comme une mort annoncée. Dès lors, marchandage des corps, commercialisation du sexe, domination, violence, viols, humiliations, vont être le lot de ces êtres hurlants et perdus. Comme dans Sombre, les corps sont torturés, tordus, malaxés comme de la matière, et les sentiments jaillissent en caillots, par cris, par hystérie.

grandrieux

Pour mieux montrer cette incapacité des hommes à vivre ensemble, Grandrieux préfère se tourner vers la forme plutôt que vers la trame : les dialogues sont réduits à 3 lignes, l'"histoire" (une sombre affaire de prostitution et de traite des blanches) se délite dans les pulsations des images, et La Vie Nouvelle devient un immense laboratoire infernal, où Bacon cotoierait Dante. Les impulsions morbides des personnages passent par la pellicule, directement, et ça donne une sorte de flot visuel intarissable, difficile à encaisser malgré la fascination. Etres suant et frappant, chocs des corps, regards d'une violence sourde, contacts éphémères et brutaux, sont filmés dans l'urgence, quitte à se laisser dépasser par la rage. On atteint le summum avec 5 minutes de pellicule en négatif, où les visages se déréalisent complètement, deviennent de simples formes ectoplasmiques et beuglantes. Après ça, il ne reste plus qu'à regarder le seul personnage un peu sensible du film se faire bouffer par des chiens, et on peut retourner chez soi le coeur gai...

chimage2

Il y a quelques défauts dans La Vie Nouvelle, quelques excès (mais tout le film est excessif, et c'est ce qui en fait la qualité) dûs notamment aux acteurs : le peu qu'on voit d'eux paraît un peu forcé, un peu trop chargé. Mais assister en ces temps de succès ch'timiques à une telle expérience ne peut que vous rassurer sur le fait que, malgré la pression, il y aura toujours des artistes libres de par le monde. Grandrieux livre son Tropique du Cancer à lui, un film éprouvant et limite qui marque à lui seul un certain territoire du cinéma. Un cinéma punk et romantique à la fois. Alors Lynch, on pleure sa jeunesse ?

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