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15 avril 2008

Julien Donkey-Boy de Harmony Korine - 1999

049510_ph2_w434_h_q80Julien Donkey-Boy pourrait être le fils déviant de Lars Von Trier et de Jonathan Caouette. Du premier, il a l'espèce de "rire de l'idiot", humour à froid et hyper-particulier qui permet de sourire aux horreurs de ce monde ; du second, il a la radicalité formelle, une mise en scène dans l'urgence, un aspect écorché vif qui se retrouve dans ce filmage désordonné et volontairement embrouillé. Mais il est aussi de la même famille que Cassavetes (décryptage d'une famille barrée), que Browning (amour pour les freaks) ou que les Dardenne (rester au plus près des acteurs pour capter "le moment où ça se passe"). Il a également fréquenté certainement les galeries d'art contemporain et passé des heures à zapper sur une télé mal réglée.

julienbremmerRésumons : Julien Donkey-Boy est un OVNI franc, bidule improbable qui allie une forme à la limite de la folie et une trame fascinée par la douleur. Korine se met en tête de filmer une famille vue par l'aïné de ses enfants, un schyzophrène de la plus belle eau, qui se met en boucle à la moindre occasion, pratique un catholicisme fervent et adule sa soeur. Il y a un père inquiétant et dingue (Herzog, magistral), une soeur enceinte jusqu'aux dents (Sevigny, décidément abonnée aux bidules hors-normes), un frère obnubilé par le sport et la gagne. Et puis il y a Julien, gentil candide perdu dans cet univers qu'il préfère interpréter plutôt que comprendre. Korine le suit au plus près, non seulement physiquement mais "intérieurement". Pendant 1h40, le monde qui nous est donné à voir est trituré, massacré, ralenti puis accéléré, pris dans une vitesse qui rend tout motif illisible. Certaines scènes visiblement importantes sont hâchées par un montage épileptique qui ne laisse place qu'à la flanjdbsupputation, d'autres qui semblent anodines sont captées dans la longueur. Il y a des plans qui reviennent sans cesse, comme cette image d'une patineuse ou ce père qui revêt un masque à gaz (?). Il y a également des séquences purement fantasmatiques (Julien téléphonant à sa mère, morte depuis longtemps, et jouée par Sevigny censée être sa soeur), des plans de rue qui ressemblent à des caméras-cachées, ou des moments presque réalistes qui rappellent les brutalités de Festen ou des Idiots (le film est d'ailleurs placé sous le signe du dogme, alors qu'il en transgresse toutes les règles).

On est perdus, certes, mai049510_ph1_w434_h_q80s aussi curieusement entraînés dans ce déchaînement visuel et sonore, comme pris dans ce subconscient étrange fait de flux d'images et de mots, de musique et de lumière. Quand Julien lutte contre son frère, on tombe avec lui ; quand il regarde une enfant, on la regarde avec lui. C'est la grande qualité de ce film que de ne pas rester un pur concept contemporain à ranger dans une galerie branchée. C'est un vrai moment d'émotion qui, malgré quelques coquetteries de malin, reste en tête sans qu'on l'ait vu venir. On dirait que Korine essaye plein de choses sans les expérimenter à l'avance (la caméra placée dans un lustre, par exemple) ; donc, forcément, tout ne marche pas. Mais on assiste à un exemple de cinéma en liberté, strictement en-dehors de tout chemin, totalement désintéressé par le commerce, uniquement guidé par sa volonté et sa personnalité. Que demander de plus ? Un grand moment barré. J'aime.   

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