Juno de Jason Reitman - 2008
Mesdames, vous qui êtes le public-cible de Juno, prenez des notes : "une femme est faite pour être mère, les hommes sont des irresponsables qui regardent des films gore à 40 ans avant de fuir devant la paternité, les ados ont été créés pour jouer de la guitare en souriant doucement devant l'immaturité de leurs aînés, et donner la vie, c'est sacré". Apprenez tout ça par coeur, rajoutez Amen et appréciez à sa juste valeur ce navet odorant.
Reitman ne se contente pas de servir le 47000ème film-indépendant-avec-musique-trop-cool-et-filmage-trop-lisse de ces deux ou trois dernières années (le millionième a un cadeau, ou quoi ?) ; il pousse le vice jusqu'à nous faire croire à une impolitesse délicieuse pour mieux nous asséner sa vision judéo-chrétienne de la société, usée jusqu'au coeur du crucifix. Juno, adolescente héroïne du film, est une sorte de représentation ultime de tous ces personnages faussement profonds qui courent les couloirs de Sundance : tête-à-claque, clicheteuse, horripilante mais si rigolote et impertinente. Reitman a voulu dresser le portrait d'une fille libre, et il nous gave de tièdeur consensuelle (un des personnages est présenté comme "sentant la soupe", mais Juno devrait aussi balayer devant sa porte). Ellen Page, pour qui je propose le pal avec torture lente, est si mauvaise qu'elle mériterait l'Oscar : prenant des poses qu'aurait refusées Claudia Schiffer, elle fait plus qu'agacer dans son surjeu satisfait de petit singe savant. Heureusement que d'autres s'en sortent un peu mieux, et arrivent à se libérer de cette vision archétypale que Reitman veut leur coller aux basques : Jennifer Garner est plutôt subtile compte tenu de la grosse farce de l'ensemble, et J.K. Simmons joue avec calme un papa gentil et taquin plutôt sympa (il a toutes les bonnes répliques du film). On entend certes du Cat Power et du Belle & Sebastian, mais pas plus que comme partout ailleurs, et ça finit par se voir : Reitman étale ses disques fashion autour de lui, et pioche au hasard, persuadé que placer une jolie chanson douce sur des images plates réussira à donner de la profondeur à son histoire. Dégoulinant de bons sentiments, le film renvoie tranquillement tous ses personnages dans ses moules sociaux, tout fier d'avoir résolu les problèmes de société en relisant les pages de Marie-Claire.
"Nous ne sommes pas des gens normaux", entend-on à la fin du film de la bouche de ce personnage affligeant, avant que la caméra ne s'écarte pour filmer une maison de beaux quartiers et deux enfants qui chantent une chanson pop sirupeuse en se regardant amoureusement. Normal, normé, normatif, et même normique, Juno est une sombre horreur qui ferait passer Bridget Jones pour un film de laboratoire proto-gore. Au secours. (Gols 05/04/08)
Grand fan des saines colères de mon camarade Gols, c'est avec un certain détachement que je m'aventurais dans cette soi-disant comédie américaine de l'année, auréolée de l'oscar du meilleur scénar qui n'a pas l'habitude d'être le pire. Et ben pour être franc, je suis presque surpris de voir à quel point le film est nase, encore plus que ce que pouvait laisser prévoir l'ami Gols. Si deux trois répliques bien balancées font leur petit effet, le reste est non seulement pas drôle mais en plus d'une superficialité qui ferait passer un reportage de Nicolas Hulot pour un docu d'un institut de recherche. La psychologie des personnages est aussi profonde que celle d'une figurante dans une pub Tampax, et on atteint le summum dans le genre "tout le monde il est beau tout le monde il est gentil". L'idée "audacieuse" de départ, à la Ken Loach, d'une gamine enceinte à seize ans (oh my God! so shocking) se résout bien à une seule idée, annihilée en quelques secondes par l'histoire cucul la praline qui se joue entre cette banlieue blanche (pas un Noir dans tout le film) où tout le monde est cool et ce quartier friqué où tout le monde est cool. C'est dégoulinant de gentillesse et de bons sentiments (au pire quand on est super triste, on verse une larme, le drame) et tous les personnages font montre de tellement de compréhension et de dédramatisation (au moins dans un Ken Loach, on est sûr que la gamine va mourir au milieu du film d'une fausse couche) qu'on se croirait dans un film de propagande tourné pendant la guerre. Juno système solaire Huxley. Et pis même po amusant. Beurk bis. (Shang 14/04/08)