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19 mars 2008

Loin du Vietnam (1967) de C. Marker, J.L. Godard, A. Resnais, A. Varda, J. Ivens, W. Klein

"Loin des yeux, cri du coeur", c'est un peu ce que nous propose ce collectif de cinéastes sous la houlette de Chris Marker "en solidarité avec le peuple vietnamien". Présentée comme "une guerre de riches" contre une "guerre de pauvres -mais pas des plus faibles", cette guerre symbolise à leurs yeux que "l'Amérique veut démontrer que la révolution, ou qu'elle se trouve, est sans issue; elle a choisi le Vietnam pour le démontrer - elle a peut-être mal choisi..."... L'histoire le prouvera, même si les enseignements qu'ils en tireront ne sont pas à ce jour encore évidents.

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Sur deux heures, on assiste à un patchwork d'images en tout genre montrant notamment les moyens de l'armée américaine (séquences impressionnantes sur un porte-avion), les moyens du bord des Vietnamiens pour se protéger, ainsi que de multiples images de massacres, les diverses manifestations pour l'intervention 18608639américaine aux U.S.A ("A parade is a parade" - ouais moi aussi j'ai mis du temps pour comprendre) et les manifs pour la paix - d'un groupuscule au départ à une démonstration de force en 1967 (avec l'éternel dialogue de sourds entre les pro et les anti-guerres)... Il y a aussi divers mini-reportages sur différents sujets en rapport avec le conflit : un flash-back assez pédagogique, dans le bon sens du terme, sur l'histoire de cette guerre depuis 49 avec l'aide des Américains apporté dès 1951 aux Français; le discours "justificatif" et franchement lourdingue du commandant américain au Vietnam ("ah les pertes civiles, 1) c'est po exprès, 2) c'est pas notre faute)", une interview de Fidel Castro sur les guérillas, ou encore l'histoire de cet Américain, Morrison, qui s'est immolé par le feu devant le Pentagone en signe de protestation pour les violences que subissent quotidiennement les Vietnamiens, bref c'est assez fourni, ça part même un peu dans tous les sens, mais relativement instructif dans l'ensemble.

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Il y a aussi une mise en scène d'un personnage, Claude Ridder, joué par Bernard Fresson, inspiré du livre d'Hermann Kann De l'Escalade. Présenté comme la voix de la mauvaise conscience "donc de la mauvaise foi", ce personnage cynique et laconique tente de justifier les raisons pour lesquels il préfère ne rien faire pour le Vietnam car il y aura toujours des guerres. Si sa conclusion est d'un fatalisme outrancier, tous ses arguments ne sont pas forcément à jeter. Cela permet d'ailleurs de servir de transition avec le segment Camera Eye de Godard qui à partir du même constat (pourquoi parler du Vietnam plutôt que d'autres guerres) part dans un tout autre raisonnement; n'ayant pas eu l'autorisation des autorités locales, en 1965, de se rendre au Vietnam, il a pris le parti d'en parler "à tort et à travers" dans les films qu'il a tournés à cette époque, ajoutant "enfin plutôt à travers" (trop fort Jean-Luc). S'il reconnaît qu'il est difficile de parler des bombes quand on ne les reçoit pas sur la tronche, il évoque certaines idées qui lui sont venues quand on lui a parlé de ce projet sur le Vietnam. Il voulait filmer le corps d'une femme nue (symbole de la chaleur humaine) et montrer les effets sur ce corps des bombes à billes...; seulement voilà, l'effet recherché n'étant point dépourvu d'un certain esthétisme, ou si on préfère "la forme n'étant point l'expression du contenu", il a abandonné (il faut le suivre le bougre). Il disserte alors sur le fait que ne pouvant envahir le Vietnam, c'est à chacun de nous de se laisser envahir par lui; il entend par là qu'il faut créer un Vietnam en chacun de nous, ou, en d'autres termes, aussi bien s'opposer à chaque occupant d'un pays colonisé que créer en soi une cellule de résistance. Il voit dans le Vietnam un véritable symbole de résistance qui peut tout autant s'appliquer à la lutte des ouvriers en France qu'il faut également soutenir (il y a un passage sur les grève de la Rhodiaceta, extrait d'un reportage de Marker) (Mai 68 n'est pas loin). En tant que cinéaste, modeste, reconnaissant que lui-même se retrouve coupé culturellement parlant du monde ouvrier, il limite son rôle au fait d'être capable d'"écouter et de retransmettre les cris des autres le plus souvent possible". Bien belle profession de foi d'un artiste souvent plus engagé que l'on ne croit (la période Dziga Vertov est en germe).

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Le reportage se termine par ces quelques mots qui pourraient trouver un écho intéressant dans ce qui vient de se passer dans la partie du monde où je suis: "Nous sommes une société qui est passée maître dans l'art de cacher ses propres violences (...) Le choix de la société des riches est assez simple : ou bien elle devra accomplir la destruction physique de tout ce qui lui résiste, ou bien elle devra accomplir en elle une transformation totale. C'est peut-être trop demander pour une société au comble de sa puissance". CQFD.

Chris Marker, l'intégrale : cliquez ; God-Art, le culte : clique

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