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18 mars 2008

LIVRE : L'Oeuvre Posthume de Thomas Pilaster d'Eric Chevillard - 1999

Sans_titreEric Chevillard fait partie de ces rares personnes qui me font hurler de rire, chose rare étant donné mon peu de goût pour les bouquins humoristiques en général. Et de ce point de vue-là, L'Oeuvre Posthume de Thomas Pilaster est assez génial ; c'est franchement les larmes aux yeux que j'ai terminé cet objet invraissemblable, hilarant et unique. Le projet initial est très bon : un sombre écrivaillon décide de faire paraître les oeuvres posthumes de son "meilleur ami", un certain Pilaster donc, et tout le livre de Chevillard est constitué de ces bribes de bouquins inachevés, de ces nouvelles laissées en plan, ou de ces carnets de note retrouvés au fond d'un tiroir. Or, il s'avère vite que non seulement Pilaster, malgré son succès, était un médiocre écrivain, mais surtout que son ami Marc-Antoine Marson est encore pire. Les notes de bas de page et les notices de présentation de chaque oeuvre montrent un auteur frustré, hautain, haineux, cachant mal sous l'analyse littéraire un passif douloureux avec son copain : une femme divine que l'autre lui a sifflée, un succès qu'il n'atteindra jamais, une jalousie totale.

Chevillard excelle dans la subtilité de son humour. Son livre est raté, et c'est fait exprès, ce qui ne manque pas de courage. En tentant d'écrire comme un mauvais écrivain, il réussit à nous faire exploser de rire devant ces phrases ampoulées, ce ton prétentieux, ce style précieux et impossible. L'Oeuvre Posthume de Thomas Pilaster dessine le portrait de deux échecs : celui d'un écrivain à succès qui n'arrive jamais à produire quoi que ce soit de bon, celui de son ami-homme de l'ombre qui bave d'envie devant sa réussite, et écrit encore plus mal que lui. Il faut lire cette nouvelle policière affreuse, ou ce journal intime gonflé de prétention : ils sont non seulement poilants, mais en plus assènent de solides coups de boule à tous les écrivaillons pêtris d'importance qui rôdent souvent sur les plateaux-télé (ou qui n'y rôdent pas : n'aurais-je pas reconnu une sorte de pastiche du journal de Calaferte dans le "Carnet 1991" de Pilaster ?). Pourtant, "Pilaster" parvient parfois à trouver une forme assez fine, notamment dans toutes ces maximes absurdes qui atteignent une belle rapidité d'exécution, un art du raccourci vain mais brillant ; à l'image de ces petits textes que Chevillard publie chaque jour en ce moment, et qui sont mon soleil du matin (cliquez ici). On ne sait plus trop où s'arrête le talent et où commence la facilité, et c'est tout à la gloire de Chevillard que de parvenir à se moquer de sa propre écriture, parfois un peu "faiseuse".

Les phrases de son ami Marson sont, pour leur part, des trésors de maniaquerie, longues phrases beaucoup trop littéraires, chargées d'une lourde rancune et d'une frustration totale. Le dernier paragraphe amène une chute un peu inutile, mais à part ça, on passe avec ces deux écrivains détestables un moment de pur bonheur. Réussir un livre raté n'est pas donné à tout le monde.

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