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Shangols
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12 mars 2008

LIVRE : No Country for old Men de Cormac McCarthy - 2005

n140809Un homme un peu trop tendre qui n'aurait jamais dû tomber sur un gros paquet de fric, un tueur sans foi ni loi, un flic hanté par son passé, des Mexicains qui se font décaniller à la pelle, McCarthy signe un roman ultra âpre, pour ne pas dire sombre comme la mort, et livre un constat assez amer sur l'état de l'Amérique : là où règne la loi du plus fort, il n'y a aucune place pour les petits malins ou pour la discussion; le tueur Chigurh fait tout péter sur son passage, et devant une telle hécatombe notre bon vieux flic qui arrive toujours après le massacre, finit par tout laisser tomber, fataliste : il a beau tenter de philosopher sur une certaine décadence de la société, il ne voit aucune solution pour lutter, se trouvant tout juste bon à aller consoler des veuves éplorées. Le style de McCarthy est tendu comme un coup de trique, il nous régale de phrases sèches comme le sol du Texas, et le Cormac se permet même de faire des ellipses sur des scènes-clés de carnage, comme si tout cela était connu ou attendu d’avance ; rien ne peut arrêter Chigurh qui trace sa route comme un rayon laser sur un bout de gras... McCarthy se permet de magnifiques digressions lors de longs dialogues qui, à défaut de faire avancer l’action, permettent à chaque personnage de vider son sac : ici un vieil homme qui ne désespère point de rencontrer Dieu, là un flic qui tente d’exorciser ses démons. Un véritable polar de très haute tenue qui donne encore plus envie de découvrir ce qu’en ont fait les frères Coen.   (Shang - 07/02/08)


Sans_titreOn a beau être, sur ce site, accroc du cinéma, il faut bien reconnaître que la littérature est un art autrement plus costaud. Preuve en est avec ce magnifique bouquin que les Coen ont pourtant adapté avec un grand respect, mais qui dépasse largement le film par ses atmosphères, son style, ses rythmes. Ce qui ne pourra jamais passer à l'écran, c'est ça : une sorte de magie dans les phrases, qui ne peut exister que dans l'écriture. Le style de McCarthy atteint ici son apogée : jamais il n'avait autant maîtrisé les dialogues, qui pourraient presque rivaliser avec un Hemingway par exemple. Sentences courtes, directes, malgré des trous béants dans leur rythme, presque syncopées ; monologues du "vieil homme" tout en maladresse populaire, qui trouvent leur humour justement dans leur construction, dans les hiatus que chaque nouvelle phrase forme avec la précédente ; aspect "behavioriste" des actions, simples relations de gestes ou de faits répétitifs scandés par des centaines de "et" qui déconstruisent et distancient les actes ; quelques descriptions épurées, plus abordées par le biais des ambiances que réellement tracées... On est bien dans une sorte de pastiche de polar, où les faits et les actes, où mes paroles et les relations sont mis en valeur "au plus pressé", dans une sorte d'efficacité d'écriture à la limite de l'austérité.

Pourtant, comme le mentionne mon éminent camarade, No Country for Old Men est rempli de digressions, de pauses dans le récit, qui s'attarde souvent sur une rencontre, sur une action, mêmes si elles ne font pas avancer le schmilblick. C'est ce qui renverse le plus : au milieu de cette efficacité à la Hammett, McCarthy prend le temps de s'attarder sur une pensée philosophique d'un vieux shériff, ou d'étoffer subitement une seconde de temps pour la charger de signification (la mort de Wells, infiniment nostalgique). McCarthy se donne des airs de polar, mais il reste un écrivain beaucoup plus vaste que ça : témoin d'une Histoire, attentif aux répercussions morales et éthiques de sa trame, profondément ancré dans un pays, préoccupé de façon quasi-mystique par l'évolution de son époque. Le vieil homme du titre, c'est lui, qui accompagne les pensées mélancoliques de son héros, en faisant le constat de son appartenance à un temps révolu. A la limite du réactionnaire, flirtant avec un moralisme de droite un peu gênant, peut-être ; mais aussi profondément émouvant, et surtout si plein d'humour qu'on ne sait plus si on doit être dupe de cette impression. Ramassé, fulgurant, maniant avec maestria deux vitesses diamétralement opposées au sein d'une même histoire, ce bouquin est magnifique. Le film est un peu évitable, le livre non.   (Gols - 12/03/08)

Commentaires
M
Les freres Coen en ont fait un film moyen, car ne correspondant pas du tout à leur univers. En particulier, pour des raisons techniques, le côté crépusculaire du livre passe à l'as (il fait un soleil éclatant dans l'ouest du Texas).
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