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5 mars 2008

1974, Une Partie de campagne de Raymond Depardon - 1974/2001

1974partiedecampagne_04Franchement, on ne comprend pas trop pourquoi ce film a été interdit de diffusion jusqu'en 2001. Depardon y fait montre d'une objectivité très honnête, filmant la campagne de Giscard en 1974 avec attention et sans parti-pris. C'est Giscard lui-même qui avait fait la commande de ce film, et on ne voit pas en quoi le résultat a pu le choquer. Certes, on voit dans 1974, Une Partie de campagne quelques manoeuvres politiciennes douteuses, des plans de bataille un poil opportunistes, et deux ou trois remarques acerbes sur les contemporains de notre cher VGE ; mais l'ensemble est vraiment très propre, très pro, rendant compte avec franchise de cet évènement plus "intérieur" qu'extérieur qu'est l'élection d'un président.

1974L'avantage de voir ce film 35 ans après son tournage, c'est de pouvoir mettre en perspective le côté folklo d'une campagne de l'époque et le tumulte médiatico-communicationnel d'aujourd'hui. On se marre doucement en découvrant Giscard qui découvre la communication d'un oeil ébahi : il pose des questions sur le chronomètre lors du face-à-face télévisé avec Mitterand, semble abasourdi devant la masse de photographes qui l'attend au bureau de vote, et s'énerve devant l'orgueil de ses collaborateurs prêts à tout pour passer à l'antenne. A l'époque, le gars conduit lui-même sa vieille bagnole pour se rendre à son QG, prend le temps de boire un canon entre deux villes à visiter, écoute Europe 1 comme le quidam moyen pour connaître les résultats... En ces temps de communication politique intensive, cette tranche de vie semble d'un autre temps. Et ça rend le film profondément humain.

D'autant que Depardon, encore une fois, est toujours à hauteur d'homme par rapport à son sujet, toujours à la bonne distance : au plus près. On ne compte plus les gros plans serrés sur le visage de Giscard, la caméra scrutant le moindre des mouvements du sieur, dans un rapport étroit avec lui. Giscard est d'ailleurs un mec très peu expressif, et le film acquiert un mystère précieux par l'opacité qui se dégage de ce visage. Même quand il apprend qu'il est président, il n'exprime qu'un simple froncement de sourcil, puis se lève pour changer de chaîne (très belles secondes où, tombant sur un feuilleton américain, il prend le temps de le regarder quelques instants). Face à cet être 1"normal", qui a du mal à couper son saucisson, qui est gêné par rapport aux gens qui crient son nom, la foule (le peuple français) apparaît comme une masse sans visage, comme une entité anonyme et presque menaçante. Il y a des scènes de liesse qui sont filmées comme des dangers, Giscard dans sa voiture fendant la foule alors que des dizaines de bras s'introduisent dans la cabine pour le toucher. On est loin des promenades d'honneur parisiennes hyper-programmées de nos dirigeants actuels. Depardon évite le lyrisme, évite le bigger than life, et son film devient un témoignage très honnête sur ce que c'est que d'être subitement propulsé en haut quand on est un petit mec normal.

Peut-être moins réussi que d'autres oeuvres de Depardon, parce que moins proche de lui dans son sujet, parce que parfois trop pressé par l'évènement pour en sentir réellement le potentiel cinématographique, 1974, Une Partie de campagne est pourtant un beau film sur la solitude face aux responsabilités et face aux média. 

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