Le Banni (The Outlaw) d'Howard Hughes - 1943
The Outlaw est le deuxième et dernier film réalisé par Howard Hughes, et au vu du résultat, on comprend que ses poteaux lui aient conseillé de se tourner plutôt vers la production. Rythme digne d'un Maigret avec Jean Richard, acteurs qui mériteraient le bannissement annoncé, musique stridente qui ne s'arrête pas une seule seconde même quand il s'agit de boire un café, montage avec les dents, et surtout un script amateurissime, totalement nul et illogique. On ne comprend rien à ces relations entre les personnages, 4 ombres que Hughes voudrait visiblement faire passer pour des légendes : Billy The Kid, 12 ans environ, devient copain avec Doc Holliday (un vieil acteur de 114 ans), et puis finalement non, et puis si quand ce dernier lui décroche les oreilles à coups de revolver, et puis non finalement ; Pat Garrett, 230 kilogs (qui peut s'écrire avec un g, je dis ça pour les joueurs de Diamino) de Walter Huston effaré, veut faire la peau de Billy, et puis non parce qu'il a peur, et puis si ; Jane Russell, une paire de seins avec des pattes, veut tuer Billy qui a tué son frère mais l'épouse pendant qu'il dort et puis veut le tuer et puis non. Ca laisse songeur, et ça prouve bien l'immense pouvoir de Hughes à l'époque : The Outlaw ressemble bien à un caprice, écrit tout seul et jamais corrigé par les collaborateurs du mégalomane qu'il était. Il parait pourtant que Hawks a collaboré au film, mais je pense que c'était au poste "cuite d'après tournage". On a l'impression d'un de ces films d'Edward Wood, faits en dépit du bon sens et avec la conviction totale de son bon droit ; n'est pas cinéaste qui veut.
Le film a pourtant un intérêt. Il a paraît-il été censuré à l'époque à cause d'une obsession un peu trop voyante de Hughes pour les appendices mammaires de Jane Russell. Mais franchement, je pense qu'il s'agit d'autre chose : l'homosexualité des trois personnages principaux est à peine cachée, et c'est vraiment bluffant de voir un film de 1943 afficher ainsi ses préférences. The Outlaw est un précurseur de Brockeback Mountain, je le dis sans rire. Les relations troubles entre Billy et Holliday sont poussées très loin, à commencer par la proposition du premier de partager sa chambre avec l'autre ; c'est ensuite une chamaillerie de collégiens à propos d'un cheval ("c'est le mien / non, le mien / regarde, il sait mordiller ton ceinturon / ouah, génial, hihihi"...), puis des étreintes viriles mais équivoques dans le désert, pour finir par une comparaison entre les tailles des différents revolvers (Billy a le regard qui brille devant la longueur du canon d'Holliday). Face à eux, Garrett est un impuissant assistant aux ébats de ses idoles, jaloux de leur bonheur, fasciné par leur complicité. Et le plus drôle, c'est Jane Russell, totalement abandonnée malgré ses charmes évidents, baissant les bras devant les oeillades énamourées des cow-boys entre eux ; ceux-ci vont même jusqu'à échanger la belle contre un cheval, sans aucun scrupule. Le film a réellement un aspect trouble, et la censure est très certainement due à cela plus qu'au décolleté de la miss. A part cette ambiguité (involontaire ? je n'y crois pas), c'est morne plaine et navet total.
Go old west, here