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24 février 2008

La Vie d'O'Haru, Femme galante (Saikaku ichidai onna) de Kenji Mizoguchi - 1952

609Être une nana pauvre dans les années 50 au Japon, ça n'a pas l'air d'être de la rigolade : O'Haru est en plein dans cette catégorie, et elle va en baver. Elle subit l'opprobre de la ville pour s'être éprise d'un gueux, elle donne naissance à l'héritier d'un seigneur pour être chassée du palais aussitôt après, son père la vend comme prostituée, elle se trouve un gentil marchand d'éventail qui meurt en 2 minutes, et quand elle a enfin trouvé une certaine tranquillité son passé de "femme galante" la rattrape. Destin affreux et d'une tristesse infinie, que le gars Mizoguchi décide de filmer en plein cadre, désireux visiblement de dresser un constat de la domination masculine ancestrale dans un Japon empesé, et du poids des traditions sur une pauvre ch'tite innocente. Héroïne sacrifiée, la jeune O'Haru (je dis jeune, mais l'actrice fait 76 ans ; renseignements pris, elle avait 44 ans à l'époque du tournage) prend sur ses frêles épaules tout le poids d'un atavisme violent et absurde, et le film est d'une noirceur totale, malgré les touches d'humour semées ça et là.

PDVD_012Pourtant, une pointe de lumière semble guider O'Haru : son premier amoureux lui a juré, avant qu'on lui tranche bêtement la tête, "un amour sincère", et c'est cette recherche de la pureté qui la guide à travers ses mésaventures. La Vie d'O'Haru femme galante est le portrait d'une innocence sacrifiée, une sorte de roman de dés-apprentissage. Mizoguchi enferme désespérément son héroïne dans des cadres étroits, ajoutant à l'impression d'enfermement en l'enserrant dans des lignes horizontales et verticales de plus en plus oppressantes : cadres de portes, barreaux de bambou, poteaux, murs froids bâtis dans des perspectives sclérosantes... Tout est fait pour qu'on ait l'impression d'un étouffement, et quand O'Haru, à de rares occasions, se redresse un peu, lève deux secondes la tête, c'est une sorte d'évènement révolutionnaire. Les derniers plans du film en acquièrent une force étrange, quand les décors s'ouvrent enfin sur des espaces vides, sur des profondeurs de champ enfin ouvertes.

mizoguchicoff2010C'est un peu chiant, c'est vrai, sauf si vous aimez les musiques étiques jouées sur une corde de banjo et les geishas mutiques ; mais si vous êtes en forme, O'Haru est un fort joli film classique, d'une belle force visuelle, un mélodrame sans hystérie, et un constat glaçant sur la place des femmes dans un société patriarcale usée jusqu'à la corde. On peut préférer, à l'époque, les excès d'un Kurosawa, mais Mizoguchi est un cinéaste subtil et sentimental d'une belle sobriété.

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