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Shangols
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23 février 2008

The Taste of Tea (Cha no aji) (2003) de Ishii Katsuhito

18880467_w434_h_q80Qu'il est bon parfois de se lover dans un douillet fauteuil entouré de gens bienveillants et de se taper un film "pour toute la famille", qui ne soulèvera aucune vague et ne déclenchera aucune discussion. Bon, mais un peu morne aussi, faut dire. The Taste of Tea est absolument charmant, et il faudrait être une brute pour trouver quoi que ce soit à redire à ce petit portrait de communauté mignonne comme tout, composé d'une fillette à la frimousse craquante, d'un grand-père un peu dingo et rigolo, d'un tonton mutique victime d'un chagrin d'amour, d'une maman fan de manga, d'un garçon amoureux fou du go et des joueuses d'icelui, et du papa discret mais attentif. Ishii prend bien soin de donner à tous leur heure de gloire, brossant des portraits fins et drôles de chaque personnage. Fait d'anecdotes mises bout à bout avec une jolie fantaisie, le film se regarde avec des yeux d'enfants, et on porte là-dessus un regard "doux-amer" (le mot préféré de Télérama) du meilleur effet.

18880463_w434_h_q80En parlant d'effet, c'est là justement que The Taste of Tea sort de l'ordinaire des films consensuels : depuis le train qui sort du front d'un jeune homme jusqu'à un tournesol géant symbole aussi bien de "l'éveil" d'une petite fille et de la menace atomique, en passant par le double de la petite fille qui traîne partout, les effets speciaux sont magnifiquement poétiques et originaux : ils maintiennent la trame dans une sorte de fantastique enfantin, et contribuent à 90% à la magie de ce film, qui sans eux, ne serait que mignon. Ajoutons à cette belle atmosphère les nombreux "décrochages" qu'Ishii se permet par rapport à sa trame : un super-héros qui apparaît dans le train et affronte un photographe dans des poses "sankukaiennes" ; un clip ringard assez poilant ; un pêtage de gueule interminable ; ou une conversation entre jeunes gens sur la taille des seins de leurs copines d'école. C'est comme si Ishii était moins préoccupé par les aventures de ses petits héros que par une sorte d'Histoire du Japon à travers ses motifs (nucléaire, musique, karaoké, manga, pop-culture, cinéma, cerisiers en fleurs, etc.). Du coup, un sous-texte apparaît derrière les péripéties innocentes du scénario, une espèce de manifeste contemporain qui remettrait la culture nippone à l'heure, tout en en respectant les grands symboles.

18880470_w434_h_q80Et puis même au premier degré, il y a assez de jolies idées de scénario pour convaincre, en particulier cette très belle séquence où la famille découvre l'héritage de leur ancêtre déjanté : une série de dessins animés qui révèlent subtilement leurs envies, leurs beautés, leurs objectifs intimes. Si chacun, au début du film, est isolé dans son obsession (se faire aimer d'une nana, faire le tour d'une barre fixe, cumuler son rôle de mère et sa profession, retrouver un amour perdu), cette séquence réunit tout le monde sous le regard du grand-père, avec beaucoup d'amour. On assiste alors à la réunion d'une communauté, soudée mais respectueuse des différences de chacun. C'est naïf, oui, mais pourquoi ne pas se laisser aller parfois aux bons sentiments ?   (Gols - 21/02/08)


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Difficile de ne pas tomber sous le charme de cette délicieuse chronique japonaise et c'est peut-être là en effet que se situe la limite du film (ben ouais si tout le monde aime, il y a forcément un blème, nan? Faut bien jouer les empêcheurs de tourner en rond). Construit sous forme de petites vignettes, on suit avec enchantement les petits tracas de cette famille nipponne, chacun de ses membres ayant un petit truc tout au fond de la tête qui le tarabuste. C'est avec ces petites poussières d'ennuis personnels que le monde est fait (bon moi j'ai perdu mon porte-feuille hier par exemple après avoir fait 24800 km, avouez que c'est bêta, grave non, je vais replanter mes sous, c'est tout), et c'est en cela que le film de Ishii, tout en restant ancré définitivement dans sa culture, touche à l'universel, ce qui n'est pas la moindre de ses qualités ; ajoutez à cela une petite pointe d'humour ravageur kitanisante (tendance Eté de Kikujiro) - le sens du détail incongru ou l'inattendu qui surgit au coin d'un pont - du meilleur effet et des acteurs - mention pour le chtit boutdechou - éminemment attachants.

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Seulement à y regarder à la loupe, on reste surpris par le manque d'interaction au sein de la famille elle-même ou même dans les relations de tout un chacun avec le monde extérieur. Si en effet le grand-père, comme le soulignait Gols, fait à la fin le lien entre les personnages, par le regard qu'il a su poser sur eux, ceux-ci semblent tout de même bien isolés dans leur petit monde, dans leur petite bulle; pour preuve cette scène entre l'oncle et son ex, qui se retrouvent pendant dix minutes à discutailler sans avoir grand-chose à se dire, séparés par le poteau central du magasin de fleur: il semble bien difficile à chacun de sortir de son "cadre" et le film, sous un optimisme forcené (chacun résout au final son petit problème), porte en lui de façon sous jacente un certain malaise. Il est d'ailleurs peut-être signifiant de noter qu'à la fin du film, le père est croqué, par les dessins du grand-père, comme quelqu'un qui a du mal à passer le relais, à faire le lien; tout comme les enfants et l'oncle qui se retrouvent chaque nuit bien parallèlement dans leur lit, rares sont les moments de vraie communion (même les repas se déroulent dans un silence de mort) dans cette petite communauté. A relever enfin la part belle laissée aux paysages, au soin apporté pour souligner chaque petit rayon de soleil, qui sont comme un baume apaisant pour les êtres qui la traversent. Aussi doux et revigorant qu'une petite tasse de thé prise auprès du feu, un léger plaisir qui ne va pas révolutionner le monde, mais à savourer béatement le petit doigt en l'air.   (Shang - 23/02/08)

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