LIVRE : Le Grand Bluff (A Game of Bluff) de Robert Louis Stevenson - 1889
Destin flou que celui de ce roman de Stevenson, parfois publié sous le titre Un Mort encombrant, co-écrit avec son gendre sans qu'on sache exactement la part de l'un ou la part de l'autre. Et ce flou artistique se ressent dans le livre : Le Grand Bluff est médiocre, aussi bien dans sa trame mal foutue que dans son écriture souvent ingrate. Stevenson ne cache pas qu'il veut écrire un "roman de gare", une sorte d'histoire à épisodes, triviale, populaire, sans autre ambition que celle d'amuser le lecteur. Et ça ne va effectivement guère plus loin.
Alors oui, c'est amusant : le scénario est taquin, suivant la trace d'un cadavre dont tout le monde veut se débarrasser, qui passe de main en main en une série de rebondissements tordus ; les réflexions digressives du gars Robert Louis sont finaudes, pratiquant un deuxième degré tout à fait sympathoche, et égratignant les artistes du dimanche avec une jolie ironie (un musicien, un écrivain, un peintre, un conférencier) ; les personnages sont pathétiques à souhait, et bien rigolos dans leurs petitesses vaniteuses... Mais le tout est très mal monté, avançant par saccades, visiblement sans plan général, et très pauvre quand il s'agit d'écrire un dialogue ou de faire monter une ambiance. C'est bien le comble pour l'auteur de Docteur Jekyll et Mr Hyde que de ne plus maîtriser du tout le suspense, la trame de ce Grand Bluff étant courue d'avance, ou de ne plus savoir épaissir la psychologie d'un personnage, ceux-ci étant réduits à des caricatures à la Daumier. Ca se lit plaisamment, c'est totalement jetable (mais ça n'existe qu'en Pleiade, déconnez pas quand même), et c'est déjà oublié.