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27 janvier 2008

Le Journal d'une femme de chambre de Luis Buñuel - 1964

B00005B1ZKLes petits travers et les énormes perversions de nos bons concitoyens français: racistes, obsédés sexuels, meurtriers; jolie galerie de personnages en effet entre ce pater familias, ancien fabricant de chaussures et fétichistes à mort (mourir dans son lit avec une paire de bottines ça craint), la femme de maison ultra dominatrice et frustrée, son mari (Michel Piccoli, comme toujours extraordinaire... A quand une statue du Michel sur les Champs-Elysées?) qui tombe "amoureux fou" toutes les secondes et qui ne pense qu'à "ça", Joseph l'homme à tout faire, grand lecteur de l'"Action française" et anti-métèque et anti-juifs, qui à ses heures perdues viole les petites filles dans les bois... Portrait à charge de ce petit monde de province dans lequel circule au gré du vent notre Jeanne Moreau nationale, qui tentera bon an mal an de régler ses comptes avec le Joseph.

Buñuel allume avec un grand sens de l'humour cette petite (ou grande?) bourgeoisie de province qui part du principe que "pas vu, pas pris". On ne peut s'empêcher 117_feature_350x180_1_malgré la noirceur des moeurs de lâcher de temps en temps de petits rires nerveux, notamment lorsque le grand Michel, benêt têtu, le regard vide et le front bas, se lance avec fougue à la tête des femmes. Il n'a d'égal en cela que son père (que le ridicule tuera quoiqu'on en dise) qui se delecte, à la lecture d'une oeuvre de Huysmans, à toucher les mollets de la femme de chambre. Du même coup, le personnage joué par Jeanne Moreau apparaît un peu fade et decevant - ce qui constitue un certain regret tout au long de la vision du film. Sans être élevé au rang de chef d'oeuvre, le film regorge de petites pointes brûlantes contre nos compatriotes assez jouissives (ah le sens de la critique et de la délation dans nos villages, que de bons souvenirs). Buñuel à l'aide d'une mise en scène très soignée (magnifique profondeur de champs dans cette ultime photo ou ces jolis mouvements de caméra qui s'élève, notamment lorsque la Jeanne s'entretient avec sa voisine, au dessus de la haie, des derniers cancans - la caméra à laquelle rien n'échappe, traquant chaque mot et chacun dans son chez soi) parvient à signer un film grinçant à défaut d'être visuellement ultra-créatif (mais on en attend toujours plus d'un maître...)   (Shang - 06/02/07) 

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D'accord en gros avec mon camarade pour reconnaître à Buñuel un sens imparable de la critique sociale, et un ton résolument grinçant dans ce portrait sans concessions des perversions et bassesses humaines. La satire (et les satyres), déjà bien développée par Mirbeau dans le roman, s'épanouit sous la caméra du gusse, qui tire l'histoire vers une profonde noirceur. Si certains petits détails sont effectivement drôles, il y a finalement peu de place pour l'humour dans Le Journal d'une Femme de Chambre, Buñuel lui préférant une amertume et un nihilisme froids. Aucun personnage pour sauver l'autre : même la vieille domestique, épargnée par son idiotie et sa naïveté, finira dans la paille avec Piccoli, victime consentante de la domination masculine, sacrifiée aux obligations de la hiérarchie sociale.

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Peut-être bien, je dirais, que trop de noirceur tue un peu la profondeur du roman. Je reconnais que Mirbeau, lui aussi, paraissait très attiré vers l'acide, amenant son histoire vers des tréfonds politico-psychologiques ravageurs. Buñuel ne pouvait qu'y trouver son compte, et boucle même son film sur une scène purement politique (une manifestation de nazillons français aux cris de "Herriot au poteau"). Mais il me semble que c'est une seule vision du livre, et une vision un peu unilatérale. L'héroïne (j'ai pour ma part adoré Moreau dans ce rôle, qu'elle joue "à froid", sans donner d'indication sur ses motivations) apparaît du coup comme une simple garce, une manipulatrice des hommes et des coeurs, guidée par sa seule ambition sociale. Quid de l'innocence première pourtant bien développée par Mirbeau (et par Renoir, dans sa version) ? Quid de l'aspect communautaire de son combat, la scène où elle distribue l'argent au cours d'une fête ayant disparu de l'histoire ? Quid des détails qui adoucissaient un peu les personnages masculins, leur offrant un contrepoint plus subtil face à la femme de chambre vampirisante (on nous a même enlevé le furet du capitaine) ? Moreau est ici maîtresse du jeu dès le départ, et Buñuel ne prend pas le temps de nous la faire aimer en tant que femme. Elle n'est qu'un symbole, pas un personnage, à l'image d'un film qui n'est qu'une allégorie.

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La mise en scène, discrète, est heureusement d'une belle élégance. Souvent sèche (la mort de l'oie), souvent crue (les scènes de fascination déviante du patriarche), élégante la plupart du temps (les scènes de drague de Piccoli sont d'une mobilité virevoltante), elle est au diapason des acteurs, tous formidables. Moins aimé cet effet final (une foule qui s'éloigne découpée en 4 plans), inutile au vu de la tenue sans affect de l'ensemble. Petite déception de la part du grand Luis : pour une fois, son insolence enlève de la subtilité à son propos.   (Gols - 27/01/08)

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