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29 décembre 2007

Sombre de Philippe Grandrieux - 1998

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Sur la carte du cinéma français, il serait assez difficile de placer Grandrieux. Disons alors qu'il est à l'opposé de Claude Zidi, si vous voyez. Sombre est un film de laboratoire, intransigeant et viscéral ; mais il n'est pas seulement ça, bien heureusement : c'est aussi un film très physique, directement ancré à la réalité, et le regard certes étrange du cinéaste n'emmène pas le film dans le simple cercle étroit du cinéma expérimental. Malgré la radicalité de la chose, ce n'est pas un film difficile, ni un film intellectuel au mauvais sens du terme : on est tout surpris de le quitter à bout de souffle, et ravis d'avoir fait l'expérience d'un cinéma considéré comme une épreuve sportive pour le spectateur. Un peu comme si Bruno Dumont avait maté les films de Keneth Anger, si vous pouvez imaginer ce que ça donne.

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Ca raconte le périple d'un serial-killer. Incapable de faire l'amour aux nombreuses femmes qu'il croise sur sa route, il les étrangle dans des étreintes faites de souffles hâchés, de malaxages de peau et de cris de douleur. Un jour (enfin, une nuit : le film porte bien son titre), il rencontre une femme qui va tomber amoureuse de lui et s'accrocher à ses basques. Elle est vierge, et elle va le mener sur d'autres pistes existentielles... ou pas. Comme le montrent les photos jointes, inutile de chercher une quelconque lumière dans Sombre : tout est filmé en très gros plans tremblés, dans une image de vidéo cradingue, avec de Sombrebrusques décrochages abstraits (les paysages qui deviennent irréels à force de triturage, des enfants filmés en accéléré, des "mises à plat" étranges). Les corps-à-corps qui précèdent les meurtres sont impressionnants dans l'aspect implacable de leur filmage ; que les voyeurs restent chez eux, Grandrieux envisage ces pulsions sexuellos-morbides comme de longues plages de mouvements, des ordres aboyés sèchement (très peu de dialogues dans le film), et des troublantes pauses qui bloquent le regard du "héros" devant un sexe offert, un sein, un corps maltraité. Aucun érotisme, plutôt une observation presque scientifique des corps, que viennent démentir aussitôt les gestes pleins de violence meurtrie de l'assassin. On a du mal à déceler si on entend des cris de jouissance ou de douleur. C'est une vision résolument désespérée et sombre de l'acte sexuel, ça va de soi, et on se dit que Grandrieux doit pas être tout à fait un boute-en-train. Mais plutôt que de se vautrer dans cette vision mortifère, plutôt que de faire un film de rocker du dimanche, le gars choisit de laisser aussi parler les sentiments. Car, au milieu de tous ces pics de frénésie compulsive, qui donnent au film un aspect urgent magnifique, il y a ces mouvements d'affect, ces regards à peine esquissés, ces temps de latence quasi-documentaires, qui développent une sentimentalité urbaine étrange, une sorte de romantisme presque gothique qui frôle l'enfer mais est aussi très proche d'un naturalisme émouvant. La nature apparaît apaisée face aux tourments humains, et elle est filmée magnifiquement, dans des mouvements la plupart du temps désordonnés, mais aussi parfois calmement (la rivière lors de la longue scène de baignade). Finalement, on a l'impression que ce n'est pas le cerveau qui bosse, mais les tripes. Sombre est fait avec le bide, et pour ça j'applaudis.

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