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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
16 décembre 2007

Les Idiots (Idioterne) de Lars Von Trier - 1998

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J'en suis à ma 6 ou 7ème vision de ce film fondamental, et chaque fois c'est le même choc, esthétique et moral, c'est la même impression que Von Trier a livré, avec Les Idiots, une sorte de film-ultime, un vrai exercice de provocation, qui fait brillamment rentrer notre Danois préféré dans la catégorie des grands artistes engagés (en vrac, les Pasolini, Straub, Cassavetes, Ferreri...). Le cinéma, et ses limites, et ses possibilités, et ses visages, ont peut-être réellement changé depuis cet essai post-punk, sont peut-être à cet instant-là entrés dans une modernité nécessaire.

idioterneCar Les Idiots est un vrai film adulte, mais réalisé par un gosse. Par un buveur de bière, par un insolent faiseur, par un collégien priapique et intenable. Au niveau de la forme, Von Trier obéit relativement strictement au Dogme, et livre des plans qui se moquent des règles de la bienséance : on voit les perches, le son est direct, le montage est heurté et bancal, on passe d'une scène romantique filmée dans le silence des souffles (un couple qui s'embrasse) à une scène porno filmée plein cadre, d'une collective scène d'hystérie à de la comédie pure. La photo est cradingue, hétéroclite, la caméra la plupart du temps portée à l'épaule, avec le cadreur qui court derrière les acteurs. Bref, c'est du grand n'importe quoi, bien entendu parfaitement dosé et maîtrisé par un cinéaste qui sait faire semblant d'être un bricoleur du dimanche. Les dialogues semblent en roue libre, en impro totale, mais on devine la grande précision de la direction d'acteurs (qui sont franchement tous éblouissants de vérité et d'humour).

250x168_idiotsDans le fond, c'est du grincement de dents à tous les étages. Von Trier énerve, fout en rogne, fait grimacer à chaque nouvelle scène. Oui, c'est de la pure manipulation, on est d'accord, c'est un film assez dégueulasse moralement, inconfortable. Mais pas plus qu'un Hitchcock qui nous menait par le bout du nez dans ses films de suspense, pas plus qu'un Sirk qui appuyait sur la télécommande à l'endroit précis où il voulait qu'on pleure. Ici, Von Trier nous embarque dans une histoire qui semble être une comédie, pour mieux nous renvoyer notre rire à la gueule plus tard. Tout se passe comme s'il nous donnait tort de regarder son film, comme s'il nous accusait d'y prendre plaisir. On rit, puis on regrette de l'avoir fait. On se moque de ces faux idiots, à l'instar des personnages bourgeois qui jalonnent le film (employés de mairie, parents révoltés, blondasses, garçons de restaurant), jusqu'à ce que le film nous explose en pleine tête, nous faisant honte de nos comportements eux-mêmes petits-bourgeois. Il y a paradoxalement pas mal de brechtisme dans Les Idiots, dans cette distance que Von Trier installe doucement par rapport aux images, dans cette façon de nous mettre le nez dans nos comportements de spectateurs.

idiotsTrouver son idiot intérieur, telle est la règle de ce groupuscule néo-punk, qui décide de critiquer la société en l'arnaquant, en en profitant au maximum (ravageuse scène d'engloutissement de caviar), en en adoptant les bassesses. Discutable morale, mais qui renvoie indéniablement à une image désespérée du monde, à une faillite des rapports humains contemporains, opposés à l'amitié et à la conscience morale. On est révolté par ce fond hyper-discutable que développe le film, pour finalement y reconnaître une véritable intelligence, une philosophie qui mélerait Deleuze et le Professeur Choron. Von Trier est bien le plus grand, et ce film-là est son meilleur film.

Commentaires
B
Je ne voudrais pas ressortir un vieux débat, mais preuve est ce soir qu'on peut aimer aller au cinéma (pas forcément pour se distraire par ailleurs, mais pour découvrir aussi et tenter le choc des idées pourquoi pas) et être littéralement emportée par ce film que j'ai bien failli faire repartir en boucle après l'interview écrite de Lars Von Trier, les bonus de présentation des on va dire "débiles"(on ne sait plus vraiment comment les appeler après tout ça !)ou bien encore les explications de ce qu'est le Dogme que je ne connaissais pas.<br /> Certes, le film est affreux dans sa forme (pas eu trop de mal à m'apercevoir des micros, même si j'ai pas vu la caméra dans le reflêt de la voiture emportant fougueusement la petite Joséphine...mais plus de mal en revanche à découvrir une forme dégarnie de son contexte, de son décor (un appart vide, de l'herbe, un arbre par ci par là, à peine une forêt ... ) à laisser l'"expérience" suivre son fil sans me dire que ça va complètement dérailler... sans me demander seconde après seconde si je suis en train de voir une sorte de document expérimental ou dans un film dont la violence en bordure va bien finir par complètement dégénérer ...<br /> Oui la scène de la partouze plein cadre m'a choquée tout autant que la baffe ultime...mais bon sang de bois, quelle bouleversement et quel malaise après ce film ! Et c'est aussi ça que j'aime dans le cinéma !<br /> Si je comptais me distraire, c'était de toutes façons pas avec ça...<br /> Là j'envisage même plus de dormir tant j'ai de questions ! Quelle troublante poésie, quelle aveuglante innoncence faut-il puiser dans cette recherche de l'idiot au fond de soi...?<br /> Quand bien même mon environnement familial et social m'amènent peu ou pas de contact avec les malades d'une façon générale, et encore moins avec les malades mentaux plus précisément que ça, cette expérimentation, ce sujet, ces interrogations, ces malaises, cette poésie, ces joies, cette violence, tout me parle dans ce film ! Quelle expérience pour les comédiens et pour le réalisateur n'est-ce pas ?<br /> J'ai pris une claque, et l'impression d'être juste vide, comme si aucune place ne pouvait plus me convenir, ni dans un regard amical sur ces joyeux débiles, (les faux tout autant que les vrais), ni complètement dans celui d'une conscience plus morale où je ne saurais plus tout à fait retrouver une reflexion un tantinet osée.<br /> Un sujet qui m'interroge, sans pour autant stigmatiser une forme de culpabilité, et dont les audaces, les provocations, les principes sont (et c'est probablement pour cela aussi que j'ai aimé le film)totalement assumées.<br /> "On a qu'à faire un deal : Puisqu'on aime tous Joséphine et que toi on t'aime pas...t'as qu'à t'en aller, ça te vas? "...(Terrible! On ferait pas gaffe, dit comme c'est dit, on pourrait croire que c'est encore une blague ce morceau-là)<br /> Les reflexions qu'il suscite, après, c'est à chacun (et probablement pas en une soirée) de les nourrir et de les éveiller...(Si j'en crois les devises : « Vous êtes un complet idiot, et plus idiot que vous ne le pensez » peu nombreux seront ceux qui pourront en réchapper.<br /> <br /> Merci pour le film.
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G
Brisons là, on est pas d'accord, et tant mieux : ça me confirme que Les Idiots est tout sauf consensuel. En tout cas, merci pour vos opinions que vous affirmez haut et fort. Revenez quand vous voulez.
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C
Faites l'expérience : invitez quelqu'un qui aime aller au cinéma pour se divertir et n'a pas de connaissance de l'histoire du cinéma et de ses auteurs. Je pense qu'il mettra fin à l'expérience des Idiots en 20-25 minutes, pas plus !<br /> <br /> Ceci dit, la forme des Idiots est horrible, impossible de passer outre. Dans Kingdom elle épouse parfaitement le projet et les personnages, dans les Idiots, c'est seulement laid et complaisant. De plus Lars est un roublard, il nous sert du Dogme alors que le film comporte du montage étant tourné à plusieurs caméras. Dans ces conditions, pourquoi laisser apparaître l'image du caméraman dans la vitre de la bagnole ? Pourquoi ne pas supprimer les perches qui tombent 3 ou 4 fois dans le champ ? Donc, sur la forme Lars se fout bien de notre gueule, pas de doute. Je mets très fortement en doute sa sincérité sur ce projet. On retombe dans cette marché forcée pour l'innovation, l'épate-bourgeois, etc. qui fonctionne ici à vide.<br /> <br /> Quant au fond, s'il s'agit de retrouver son idiot intérieur pour bouleverser la donne sociale et renvoyer chacun face à ses conditionnements c'est stupide, ultra-individualiste et à l'opposé d'une forme de sensibilité et de solidarité que j'affectionne.<br /> <br /> Il n'y a rien à sauver pour moi dans ce film, mais alors rien ! J'établirai un jour le classement des plus mauvais films des meilleurs réalisateurs. Les Idiots figurera sans doute sur la plus haute marche du podium.<br /> <br /> J'ai lu quelques critiques sur le film hier sur internet. J'ai lu la plupart du temps du très positif, ce qui m'a bien fait sourire. Je ne dirais pas que c'est un point de vue ciné-snob, mais franchement, il y a un peu de posture là-dedans : c'est original, iconoclaste, ça tape sur le bourgeois et les conventions, ça ne peut pas être mauvais !<br /> <br /> Pour moi si, définitivement.
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G
Bon, décidément pas d'accord, même si je comprends vos arguments. Certes, c'est un film "d'épate", mais guidé par une vraie sincérité, et par un fond que je trouve pour le coup très riche. En gros, et si j'ai bien compris : comment lutter contre une société petite-bourgeoise, si ce n'est en en adoptant les hontes, ou en lui proposant ce qui luie st le plus étranger, ce qui l'effraie le plus : l'idiot. En plus, je trouve qu'il serait bon que chacun de nous trouve son "idiot intérieur", le monde s'en comporterait de plus belle façon, suivez mon regard du côté du Grand Idiot qui nous gouverne (mais pas que).<br /> <br /> Je m'insurge contre le fait que ce film ne peut plaire qu'aux férus de ciné. Pour moi, il est universel. Maintenant, que Von Trier soit un auteur fashion, je ne le nie pas...
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C
Ce que je n'aime pas dans ce film, c'est qu'il est "forcé", qu'il fait de l'épate-bourgeois sans rien d'autre derrière, bref qu'il est une vaste fumisterie, très mal réalisée en plus. La partouze, on sentait que ça le démangeait depuis un moment le Lars, mais dans le film elle tombe comme un cheveu sur la soupe et ne sert en rien le propos du film (propos extrêmement fumeux là encore). Vraiment, Les Idiots boxe pour moi dans la catégorie des nanars grandiloquents, au même titre qu'Anatomie de l'enfer de Breillat par exemple, soit des films pompeux, au propos grandiloquent mais qui, ramenés à la mise en scène et au cinéma ne sont que ridicules (bon, j'avoue que le film de Breillat m'a fait hurler de rire là où celui de Lars Von Trier m'a seulement énervé).<br /> <br /> Certains de mes amis le trouvent aussi formidable, pour aller à contre-sens d'une opinion lambda, parce que justement ce film n'a aucune chance de plaire à quelqu'un qui n'est pas branché ciné d'une manière ou d'une autre.
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