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6 décembre 2007

La Femme sur la Plage (The Woman on the Beach) de Jean Renoir - 1947

womanonthebeachFilm maladroit, trop court, étrange, The Woman on the Beach a pourtant de nombreuses qualités qui en font un des films les plus sous-estimés du père Renoir. Il y a dans cette histoire d'amour-possession sur fond de dépouillement, dans cette trame faite de désespoir, d'êtres brûlés par la vie, d'handicapés de l'amour, une belle vision du cinéaste. Les personnages du film sont en effet brillament pensés, même si leurs "aventures" ne sont pas crédibles du tout ; le plus fort étant que le scénario prend un malin plaisir à brouiller les pistes : chacun des trois protagonistes est sans arrêt remis en perspective. Le mari est-il un dangereux simulateur qui bat sa femme, ou un artiste amoureux fou, qui préfère se consumer plutôt que d'abandonner Joan Bennett ? Elle-même est-elle une garce machiavélique ou juste une femme malheureuse passée à côté de sa vie ? Et Ryan est-il un romantique plein de noblesse ou un dément marqué par la guerre et obsessionnel ? Renoir ne tranche pas, et termine son film sans avoir résolu ces questions, laissant l'impression d'une belle compréhension des méandres de l'être humain. Quelque chose de sourdement écorché vif jaillit de ce film, non seulement par la tristesse inconsolable de ses héros, mais dans cette grande pureté dans la mise en scène (cadres stricts, économie de moyens, lenteur des déplacements qui tranche avec la rapidité du film), et dans ces décors cheap mais très inspirés : un bunker abandonné, une plage battue par le vent, une mer noire, une maison isolée. Pour un peu, on se croirait dans une nouvelle de Stevenson, une de celles où l'amour rôde dans la solitude des landes (il est beaucoup question de fantômes dans The Woman on the Beach). L'intro du DVD s'étonne de l'absence de marques typiquement renoiriennes dans ce film, et elle a bien tort : il y a le désespoir total de La Chienne dans le personnage du peintre, il y a la noirceur de La Bête Humaine dans la folie de Ryan et son regard sur les femmes, et surtout il y a l'onirisme de La Fille de l'Eau dans cet esprit presque surréaliste pour ce qui est des décors (et dans le rêve initial et aquatique de Ryan). Le gars est bien là, plus triste que jamais.

fem004Par contre, c'est vrai, le film a l'air d'avoir été monté, coupé et remonté, voire machouillé et recraché, en dépit du bon sens. On a la pénible impression d'un squelette de film, auquel il manque toute la chair, toute la sève. Si bien qu'on ne fait que sentir le projet, plus que le ressentir. Peu d'émotion pointe, par manque d'acteurs (assez spectral, Robert Ryan traverse tout ça sans vraiment comprendre ce qu'on attend de lui ; Bickford est mieux), par manque de temps pour fouiller sa trame (le film dure 1h10 et est pourtant plein de retournements de situations, d'évènements et de morceaux de bravoure), par manque de confiance en lui sur certaines idées. C'est dommage : si on l'avait laissé faire, Renoir aurait sans aucun doute pondu un vrai grand film noir.

Renoir est tout entier ici

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