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1 décembre 2007

Ouragan sur le Caine (The Caine Mutiny) (1954) d'Edward Dmytryk

Cette adaptation d'un roman couronné par le Pulitzer est remarquable dans sa finesse d'analyse des personnages et des relations qui se nouent entre eux. Portée par de grands acteurs (Bogart et José Ferrer, en brillantissime avocat, en tête), cette histoire a pour toile de fond la Seconde Guerre Mondiale qui n'est point un élément essentiel du récit: Dmytryk se concentre sur les rapports humains - le bateau proposant un excellent huis-clos- et nous livre une fin très riche dans son revirement de situation: les vainqueurs apparaissent aussi pitoyables que LE vaincu et cette ultime leçon expose magistralement les petites faiblesses de chacun.

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Dmytryk ouvre son film avec un couple BCBG... de cinéma (Robert Francis et Katherine Warren, des sourires Colgate, des yeux plus bleus qu'un lac en altitude, des petites gueules d'amour, quoi) qui ont tout pour être Caine_Mutiny__The_x01heureux; seulement la mère de ce jeune diplômé de la Marine est ultra-possessive et ce dernier a du mal à faire un choix entre cette dernière et cette petite copine (le sot): les thèmes du film sont ainsi brièvement exposés, il sera question d'autorité, de respect, de liberté et de choix (moral). Lorsque notre jeune recrue ambitieuse est affectée sur le Caine, il ne cache point son désappointement: non seulement ce raffiot ne compte plus ses heures en mer mais en plus le Capitaine ne fait pas preuve d'une rigueur qui, pour le Robert, fait la gloire de  ce corps de métier. Il est tout contrit de voir que tout part un peu à vau-l'eau, tout en se faisant charrier à la moindre occasion par ce vieux de la vieille. Lorsque le Capitaine est remplacé par un Bogart qui fait de la discipline et du respect de son autorité ses deux priorités, il se remet presque à respirer... Seulement rapidement le Bogart va apparaître comme un paranoïaque en puissance (dès que ce dernier est confronté à une tension, il sort de sa poche deux petites billes en fer qui freudiennement sont un must): il va réussir, par ses ordres gavants et des erreurs qu'il n'admet point, à se mettre à dos l'ensemble des officiers en très peu de temps. Lors d'un ouragan où il se montre particulièrement incompétent, le second le relève de son commandement... Mais le Bogart est tenace et porte plainte auprès du tribunal militaire pour mutinerie. Si l'ambiance était déjà tendue sur le navire, elle devient détestable lors de cette confrontation.

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Enfin un procès de cinéma passionnant mené de main de maître par le procureur et l'avocat de la défense; les témoins défilent, certains ont du mal à exprimer clairement ce qui leur paraissait évident au moment opportun, d'autres se montrent d'une lâcheté terriblement humaine dès qu'ils voient que cela craint pour leur grade... L'officier en second semble perdu, condamné d'avance, jusqu'à ce que le Bogart, menhir fissuré, craque autant que dans la cabine de pilotage lors de l'ouragan. Seulement la fête sera brève parmi les proches de l'officier en second : l'avocat va se permettre de remettre chacun à sa place. Sa diatribe qui vient casser cette atmosphère festive résonne encore plus cruellement que pendant le procès: car dans une situation de crise, chacun a ses propres responsabilités et son argumentation est d'un brio fulgurant.

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Le jeu des acteurs est, on l'a dit, du grand art, mais il faut ajouter à cela un scénario et des dialogues taillés dans du béton, une image couleur superbe (toute la séquence entre nos deux amoureux dans le parc de Yosemite est éblouissante), une mise en scène au taquet (aussi bien dans la démesure - les marins de toutescaine1 les couleurs sur le porte avion se mettent en place dans une scène digne de Broadway - que dans les endroits confinés -lors de chaque réunion du commandant dans sa cabine on entend les mouches s'arracher les ailes) et même la séquence de l'ouragan, avec la maquette qui perd sa cheminée et la retrouve dans le plan suivant, ne vient pas gâcher la tension de feu dans la cabine de pilotage : Bogart dont le visage est envahi de plus en plus par le doute et la peur est vraiment grandiose. Sur ce grand théâtre de guerre, le combat que se livrent les membres de l'équipage révèle les petites fêlures psychologiques de chacun, n'épargnant personne au bout du compte. Une vraie tempête shakespearienne...   

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