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3 novembre 2007

Down by Law de Jim Jarmusch - 1986

down_tom_waits_wallpaper

C'est toujours un grand plaisir de se retaper ce film, un de ceux qui marquât définitivement mon entrée en cinéphagie en cette glorieuse et richissime année 1986. Jarmusch y installe définitivement son style entre poésie anglaise et blues new-orleans, entre contemporaneité totale (le travail sur le vide) et hommages aux aînés (Robby Muller est autant là pour ses références wendersiennes que pour sa sublime photo). Difficile pourtant, malgré les références, de situer Down by Law dans l'histoire du cinéma, tant l'originalité du ton et la travail de scénario sont uniques. Le film est d'ailleurs autant musical que visuel, non seulement grâce à la présence de Lurie et Waits, mais aussi grâce à ces nombreuses utilisations des voix, des sons, des litanies ("I scream, you scream, we all scream for ice-cream"), écrits comme des partitions. Toute la scène centrale force le respect de ce côté-là : on ne quitte presque jamais la cellule où sont enfermés les trois gaillards, le monde extérieur n'existant qu'au travers des sons et des échos que ceux-ci renvoient.

downbylawLe travail des acteurs est remarquable de décalage. Les dialogues de Jarmusch sont déjà bien barrés, travaillant une matière totalement quotidienne pour trouver une "musique des mots simples" (le carnet de Benigni où il note des expressions anglaises, les jingles du DJ Tom Waits, la récitation sans affect du mac John Lurie devant la petite prostituée qu'il veut engager, les déclarations d'innocence énoncées sans émotion, etc.) ; mais le fait de les avoir mis dans la bouche de ces acteurs-là ajoute au décalage poétique vis-à-vis de la réalité. Waits est comme d'habitude à la limite du borborygme, très drôle quand il sort un peu de ses gonds, ou quand il se gonfle d'importance face à ses partenaires ; John Lurie, un peu moins bon dans la première partie, devient une petite chose sensible au fur et à mesure du film, puis un être purement "littéraire" lors des scènes dans le bayou ; Benigni, dont il faut bien reconnaître qu'il fait 90% de la drôlerie du film, est plus hystBayouéro et naïf que jamais, et est absolument sidérant dans ses rythmes, ses improvisations. Il est le clown par excellence, tout le monde l'a dit, et son personnage "tintinesque" est un chef-d'oeuvre d'interprétation. Côté scénario, Jarmusch ne se foule pas, mais c'est curieusement aussi ce qui fait l'étrangeté du film : en racontant une simple tranche de vie, presque sans aventures, de trois déclassés, sans pics d'action, il met le focus sur les instants de latence et de "rien" plus que sur une vraie histoire, et ça fonctionne très bien. Les arrestations des uns et des autres se font dans le calme, on ne voit rien des scènes attendues (le crime de Benigni, l'évasion de la prison, les fameux alligators de 4 mètres évoqués sans arrêt) et les seuls évènements se cantonnent à une pauvre barque qui coule ou une bagarre à deux balles. Il y a quelque chose d'un African Queen sans aventures là-dedans, et la fin, habilement coupée en pleine pérégrination, vient confirmer ce dédain de untitledl'action qui fait mouche.

Il faut reconnaître aussi que du coup, Jarmusch dans Down by Law (comme dans ses autres films ?) apparaît un peu creux, privé de fond. C'est sûrement la limite de ce réalisateur, brillant formellement, mais qui échoue aussi souvent à trouver un réel propos. Ne parvenant pas toujors à éviter un aspect arty un peu énervant, il livre un film hyper-agréable, plein de fantaisie et d'humour, à la poésie étrange et simple, mais aussi un film qui s'oublie un peu par manque de profondeur. Tant pis, on passe un moment délicieux, et c'est ce qu'on lui demandait.

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