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26 octobre 2007

La Honte (Skammen) d'Ingmar Bergman - 1968

lh015ee4Pas le plus facile des Bergman, mais en tout cas un film qui laise sur le cul. Je ne suis pas bien sûr d'avoir tout compris des arcanes complexes de cette histoire, mais on sent derrière tout ça une intelligence, formelle et narrative, qui encore une fois impressionne. La Honte est le portrait d'un couple apolitique, qui va être pris dans la toile d'une guerre brutale, et révéler toutes ses bassesses (lâcheté, petits profits, cruauté, collaboration avec l'ennemi...). Courageux et austère, le film étonne par ses prises de position frontales, à travers des scènes assez violentes et qui prennent sans cesse au dépourvu.

L'arrivée de la guerre dans cette petite vie insulaire tranquille (belle idée d'ailleurs d'amener le mal à l'état pur dans le décor d'habitude si solaire de Bergman) est brusque et surprenante : honte_2003rien, puis soudain des bombes, du bruit, du feu, des morts. Le gars gère ses rythmes en maître, et les longues scènes de dialogues, filmées en plan-séquence, ne sont pas les moins tendues, grâce à cette vitesse d'écriture. La déportation du couple, dans un camp aux règles absurdes, est menée à toute vitesse, ils sont brinquebalés dans tous les sens, pris, torturés et libérés en 2 minutes. En opposant ces pics de rythme et des scènes très lentes (la fin, magnifique, sur une barque voguant entre deux mondes dans les brumes (du Styx ?)), Bergman invente une façon nouvelle de nous prendre à son piège, de nous perdre dans l'absurdité de son monde, qui demeure en grande partie incompréhensible. Comme dans Le Petit Soldat de Godard, auquel on pense souvent (brutalité, insolence et Skammen_201pointes de burlesque), on ne sait rien de ce conflit, on ne comprend rien aux camps en opposition, on se laisse entraîner dans le flux de la guerre sans en comprendre les rouages. Tout comme les personnages, et tout comme, certainement, la plupart des victimes des guerres.

C'est peu de dire que les acteurs sont bons : Von Sydow, surtout, en petit mec qui va se révéler un lâche total face au danger, est prodigieux. Le personnage est d'ailleurs fouillé dans tous ses détails : musicien hyper-émotif, maladroit et amoureux, protecteur en même temps que terrorisé. Bergman, à force de précision dans le dessin de son personnage, rend parfaitement logique sa lente métamorphose en monstre. Face à lui, Liv Ullmann est elle aussi superbe, en idiote admirative qui le suivra jusqu'au bout dans sa bassesse. L'image de Nykvist fait encore une fois des merveilles, et l'ambiance sonore et visuelle créée autour de ce couple rend avec peu de moyens toute l'horreur des combats. Entre rêve et réalité, la_honteentre guerre fantasmée et psychologie quasi-naturaliste, La Honte réussit le pari de traiter un sujet délicat (la petitesse de l'Homme face au danger) avec profondeur et une grande intelligence. Certaines scènes touchent à l'onirisme total (tout le début, et la scène d'amour sous la serre), d'autres sont d'une brutalité très terre-à-terre (l'assassinat de l'amant, la visite du docteur nazi dans la salle d'école transformée en cachot) ; et pourtant le film est d'une grande homogénéité. Finalement prenant, entêtant, violent et poignant.

l'odyssée bergmaneuse est là

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