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21 octobre 2007

La Ruée vers l'Ouest (Cimarron) d'Anthony Mann - 1960

49439On retrouve dans cette méga-production tardive du gars Anthony Mann toutes les qualités qui définirent ses oeuvres plus "sèches", plus modestes : magnifique "émotionnalisation" des espaces, avec ces longs travellings qui ouvrent d'amples lignes de fuite à la fin d'un plan qu'on croyait minuscule ; noblesse solennelle des personnages, jamais réduits pourtant à des symboles, toujours humains et fouillés psychologiquement ; violence abrupte des scènes d'actions, d'autant plus impressionnantes qu'elles sont rares et rapidement menées (un sommet avec le lynchage d'un Indien bouclé en 3 secondes) ; et immense talent de direction d'acteurs. Glenn Ford est parfait en humaniste à principes qui va finalement ruiner la vie de sa famille à force de convictions démocratiques et d'honnêteté ; Maria Schell endosse courageusement le rôle de l'épouse incapable de comprendre la beauté intérieure de son mari, et rend parfaitement par son jeu fragile les erreurs de son personnage ; enfin la divine Anne Baxter (le plus beau rire du cinéma américain) est complètement convaincante en pute désabusée, et amène les respirations d'humanité nécessaires dans cette fresque démesurée ("ne me prenez pas pour une pute au coeur d'or ; si j'avais un coeur d'or, je l'aurais vendu depuis longtemps.")

 

Bref, c'est du très bon spectacle à l'ancienne, qui utilise tous les codes du western et en profite pour donner le signal de départ à une forme plus contemporaine, qui donnera à Léone ou à Peckinpah le feu vert à leurs expérimentations. Il y a une grande modernité dans certains de ces plans incroyables, comme cette caméra qui suit un groupe de bandits depuis l'extérieur jusque dans une école, sans coupe. Et puis il y a un ou deux sommets spectaculaires époustouflants, comme la fameuse ruée vers les lopins de terre de l'Oklahoma cédés gratuitement par l'Etat aux premiers arrivés : 1/4 d'heure de folie furieuse, de furie et de bruits, où des centaines de chevaux et de chariots s'entrechoquent, s'écrasent sur des rochers, bondissent au-dessus des fossés avec une énergie effroyable, dans un nuage de poussière. Au sein de l'immense processus de cette scène, les gros plans, techniquement bluffants, nous font garder en tête la dimension toujours humaine du regard de Mann, qui parle toujors d'hommes avant de parler d'évènements.

 

Mais Cimarron souffre par ailleurs d'un montage maladroit qui gâche beaucoup de son ambition. On sent que le gars aurait voulu réaliser son Grapes of Wrath à lui, en tout cas une immense reconstitution historique qui brasserait de multiples thèmes. Pour cela il lui aurait fallu 4 heures... il n'en a que deux, sûrement à cause de producteurs peu scrupuleux. Du coup, la deuxième heure est incompréhensible en terme de scénario : l'ascension politique de Glenn Ford, le vieillissement des personnages, les aléas de leur vie amoureuse, le développement de la ville, la découverte du pétrole ou la vie du journal inventé par le personnage principal, tout cela est raconté beaucoup trop vite pour qu'on soit pris dans le rythme. Mann veut parler de tout (défense des Indiens, corruption politique, guerre de 14, histoire des pionniers de l'Ouest, etc.) et ne parle finalement de rien. Certains enchaînements de plans laisent rêveurs, Ford passant du fringant cow-boy au vieil homme grisonnant en un clin d'oeil, Schell l'adulant et le renvoyant dans les roses en 2 minutes. On sent qu'il a dû y avoir un gros paquet de rushs inutilisés à la fin de cette production, et c'est bien dommage. Cimarron aurait pu être une magnifique oeuvre vaste et ambitieuse, il n'est réussi que dans sa première moitié.

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