Le Souvenir d'un Avenir (2001) de Yannick Bellon et Chris Marker

Commentaires markeriens, dits superbement par Arditi, sur les photos de Denise Bellon. Des années 30 aux années 40, d'une expo surréaliste à une autre, Denise Bellon pose son regard sur la France et l'Afrique Occidentale Française. Si photographier c'est regarder, c'est aussi "soutenir le regard des autres" (c'est pas beau ça?) qu'ils soient artistes, gueules cassées de la première guerre ou qu'elles soient filles de joie dans les quartiers chauds de Tunis (on apprend d'ailleurs en haut d'une grille qu'on arrive dans une période faste puisqu'il y a une "baisse de 10%" - po cher, j'te jure - affreux). Si dans les années 30 on sanctifie le corps humain qui prend plaisir à s'ébattre dans la mer, les corps mutilés de l'expo surréalistes annoncent des temps plus sombres et traumatisants. Les photos de Denise Bellon sur la vie quotidienne d'une Afrique alors encore très calme côtoient des extraits de Mein Kampf dans Paris-Match, puis viendra le temps des conscriptions de 39 qui chambouleront tout cela; il y a la photo d'un conscrit guinéen qui dit au revoir à sa douce d'une immense beauté et qui vaut à elle seule la vision de ce documentaire. Marker cite les slogans délirants des affiches de cette époque "Avec votre vieille ferraille, nous forgerons l'acier victorieux", une époque de recyclage où la France fait tout d'un coup penser à la Chine d'aujourd'hui. Un acier victorieux qui comme le dit ironiquement Arditi retournera vite à l'état de vieille ferraille en Mai 1940. Ultimes photos souvenirs d'une tentative des Républicains de contrer Franco en 1944 - la cata - avant de conclure sur celle du groupe des surréalistes (enfin ce qu'il en reste) réunis à l'île de Ré et portant tous un masque à la Fantomas... L'ère de l'anonymat et de l'aliénation s'annonce gentiment. Si La photo est l'art du souvenir, Denise Bellon a su capter l'essence d'un temps révolu... qui résonne jusqu'à nous.

Chris Marker, l'intégrale : cliquez