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Shangols
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12 octobre 2021

L'Ange exterminateur (El Ángel exterminador) (1962) de Luis Buñuel

Il y a du Sartre dans ce huis-clos mortifère, il y a du Brecht dans cette critique forcenée de la bourgeoisie, il y a du Fellini dans cette atmosphère de fête qui tourne en eau de boudin, il y a du Kafka dans cette aliénation et cette absence de liberté, il y a du Beckett dans l'appauvrissement des gestes et des actions, il y a même du Buñuel dans cette main fureteuse qui fait les cents pas - mais il n'y a pas d'Hitchcock... On pourrait se noyer de références, d'explications symboliques, alors que, soyons sérieux, il s'agit bien d'un film de Buñuel, voire même d'un des tout meilleurs.

angel_ext

A la suite d'une soirée mondaine (on a même droit au sempiternel morceau de piano qui fait tomber les paupières) des bourgeois se retrouvent - malgré eux ou par simple manque d'énergie ?- cloîtrés pendant plusieurs jours dans cet espace réduit ; le moins qu'on puisse dire c'est qu'ils n'ont pas grand-chose d'intéressant à se dire - ni même à faire - et que le climat se détériore rapidement pour des broutilles : c'est à celui qui sera le plus plaintif, le plus hypocondriaque - même si la mort leur semble une véritable délivrance - ,vlcsnap_7188599 le plus égoïste, le plus profiteur. La caméra de Buñuel scrute avec une précision infime chacun de ces personnages qui s'agite à peine dans le bocal dans lequel il s'est lui-même enfermé. Seul un couple d'amoureux (superbe plan avec une lumière d'une grande douceur... à la Carné) semble trouver grâce à ses yeux, couple qui finira d'ailleurs par se suicider pour ne plus entendre de telles inanités. Ces bourgeois se vautrent les uns sur les autres comme des Madar (oui le joueur de foot, on est d'accord) dans la surface de réparation. Ironie du sort, c'est en jouant une "répétition" du premier début de soirée qu'ils finissent par se libérer de cette apathie... comme s'ils étaient voués à toujours refaire les mêmes gestes, à tourner en rond (au sein d'une même pièce ou "au fil des jours" : ils ne tardent pas d'ailleurs à se retrouver dans une situation analogue dans une église avec un ultime plan sur des moutons du meilleur effet (alors qu'en dehors la colère gronde et qu'une révolte se prépare loin de leur regard). Et les mâtines de sonner, ding deng dong, dormez-vous?, mais oui ça fait longtemps que cette classe a oublié d'agir et vote Sarko (quoi ?) pour que tout reste bien en ordre.

AngelExterminador

Derrière cette fable fantastique ultra-buñuellienne (si, si j'avais quand même envie de l'affirmer), se cache une dérision certaine dans ces petits dialogues ciselés qui tombent souvent à plat. Certes on est jamais dans un rythme sur les chapeaux de roue, mais rien de bien étonnant dans la représentation d'une telle langueur. Du grand Luis.   (Shang - 13/09/07)


ange-ext

C'est bien, ce petit retour de temps en temps vers nos jalons de jadis : ça permet de remettre au goût du jour les écrits de mon camarade, et de constater qu'il avait déjà très bon goût (laisse, c'est gratuit, c'est la mienne). On est en effet là face à du Buñuel des très grands jours. Je n'avais gardé du film que l'atmosphère étrange et fantastique de cette pièce d'où nul ne peut sortir, qu'une espèce de malaise sous-jacent. C'est effectivement beaucoup plus que ça, beaucoup plus qu'un film surréaliste, beaucoup plus qu'une farce ionescienne ludique : la charge virulente contre une caste, une catégorie de la société, et la plus aisée, est très violente et va très loin. Le film se situe dirait-on à l'exacte jonction entre la veine surréaliste du compère (ces flashs d'images étranges que Buñuel sait distiller de manière presque subliminale, comme ici un mouton aux yeux bandés) et ses films plus frontaux, et rassemble du coup toutes les inspirations du maître en un grand moment de provocation. Sexe, pulsions fantasmatiques, mort, débauche, violence : plongez un groupe de bourgeois dans une pièce d'où ils ne peuvent s'échapper, et en quelques heures, la société ne sera que gabegie. En gardant toujours un humour décapant, noir, grinçant, le gars Luis assassine posément ses personnages, montrant comme leur fond (fait de violence et de jalousies, d'égoïsme et de sexualité torve) fait rapidement surface dès que les conventions sociales tombent. Il en profite pour égratigner au passage l’Église (dès qu'ils sont libres, les bourgeois vont s'enfermer à nouveau, cette fois dans une église), et ne se gêne pas également pour se moquer des prolos, avec cette mystérieuse insurrection finale ou ces majordomes serviles qui quittent le navire avant le naufrage... Un jeu de massacre sublimement mis en scène, stylé et affûté, du bonheur.   (Gols - 12/10/21)

19101238

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