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Shangols
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16 juillet 2007

LIVRE : Palafox d'Eric Chevillard - 1990

Sans_titreVoilà un livre absolument bluffant. Palafox raconte le destin d'un animal hybride, né un beau jour d'un oeuf posé sur la table d'une famille modèle. On pense donc à un poussin, mais il s'avère assez vite que Palafox doit autant au cerf qu'au serpent, au poisson qu'à l'insecte, à la méduse qu'au colibri. Il devient de plus en plus dangereux (belles pages sur les carnages qu'il opère dans la campagne avoisinnante, bouffant récoltes, gibier et paysans avec un égal appétit), malgré son indéniable amour pour les femelles (un coït avec un martin-pécheur donne lieu à des descriptions touchantes) et pour ses maîtres. Il faut donc finir par faire des choix : le vendre à un cirque, l'écorcher vif, le cuisiner à l'étouffé ou en faire un être civilisé et parlant 12 langues. Le reste est à l'avenant, ce n'est que le début.

Outre la trame, qui fait apparaître le caractère de grand malade de Chevillard, le style du bouquin est absolument incroyable. Assez proche de Vian, l'écriture du gars tire les phrases jusqu'à leur essoufflement, sautant à pieds joints sur une expression pour en dégager toutes les ramifications, usant des digressions à s'en rendre dingue, ouvrant la moindre remarque vers des horizons lointains. Pendant que les personnages attendent des invités à dîner, par exemple, Chevillard prend le temps de nous raconter une histoire drôle, ou de décliner les mots qui commencent par "pa" dans le dico ; certains protagonistes sont invités à lire les chapitres précédents du bouquin avant de faire leur entrée ; ou encore, la couleur de Palafox (entre le blanc et le rouge, avec un peu de gris perle et de marron, en gros) donne lieu à des considérations primordialement inutiles sur la subjectivité de l'oeil... C'est de l'absurde dans toute sa grandeur, sous des dehors de livre scientifique mâtiné d'épopée intimiste. C'est énorme et hilarant, en tout cas. On se demande bien comment "ça tient", mais le fait est que ça tient, et méchamment même. Chevillard manie tous ces mots avec une maîtrise et une tranquillité parfaites. Grand moment de n'importe quoi, un peu comme si Nicholson Baker avait couché avec Groucho Marx.   (Gols - 16/11/06)


0972869247Voilou, les vacances sont déjà finies, de retour donc pas trop gaiement au taff avec quelques copies de retard - bon, je sens que je vais faire bref pour pouvoir m'attaquer au tas de dvd qui patientent sur la table du salon (quel enfer quand même la Chine, ils ne s'arrêtent jamais de produire...!!!!).

L'ami Gols a dit l'essentiel sur ce Palafox protéiforme et sympathiquement jouissif avec toujours cet humour décalé qui n'est pas sans me rappeler le gars Echenoz - que j'aime beaucoup. Quelques perles pour la route qui m'ont fait hoqueter de rire au passage: "Donc votre vie s'écoule sans autres préoccupations que la recherche d'un peu de nourriture et d'un peu d'ombre, sans autre activités que la cueillette saisonnière des baies ou des champignons, la chasse aux papillons, la pêche à l'écrevisse, sans pire prédateur à craindre que la femelle après l'amour" - c'est délicieusement un brin misogyne,  je ne m'enfoncerai point. Une petite pour notre grand ami Sarko, en regrettant qu'il ne lise que Paris-Match et Voici et écoute des chanteurs morts (la France de mon enfance...): "On ne va pas commencer à mettre sur le dos des larves tous les crimes ténébreux, toutes les tueries non élucidées. Imagine-t-on un seul instant les maternités prises d'assaut par la police et les assassins présumés, faits comme des rats, cueillis à la naissance, n'ayant d'autre issue que de se rendre, et fusillés sur le champ?". Comme décidément le monde animal et ses merveilles sont un puits sans fond pour l'inspiration du Chevillard, cette magnifique remarque dont je me remets à peine: "Vous admettrez avec moi que le cerf n'a pas une tête à chapeaux, or voyez où nous avons tous lancés le nôtre en rentrant" - drôlissime. En guise de conclusion, un très bel hommage à nos amis les bêtes, quelles qu'elles soient, qui sonne comme une vérité glaçante contre les illusions humaines: "Avez-vous déjà vu Palafox ou n'importe quelle autre coccinelle se révolter contre son sort et contester l'univers? Ils se comportent en créatures, ils n'ont pas la prétention d'amender le sol sous leurs pattes, de conquérir l'espace, ni celle de mesurer le temps, ils grappillent les secondes, ce sont eux les propriétaires  des sources, les habitants légitimes de ce monde, les vrais héros de Dieu". Bon si après ça, vous n'êtes point tenté par un livre du gazier, il n'y a plus rien à faire.   (Shang - 16/07/07)

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