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16 juillet 2007

LIVRE : Le Livre qui n'existe Nulle part d'Alain Jouffroy - 2007

Sans_titreVisiblement, Alain Jouffroy aimerait bien qu'on le considère comme le derniers des mohicans de la grande littérature : conspuant au détours d'une phrase Houellebecq ou Nothomb, prenant note des mutations d'un monde tourné vers l'efficacité plus que vers la beauté, il cite à tours de bras Rimbaud, Nietszche, Stendhal, Proust, part en quête de pureté en Grèce, ratiocine sur Sollers et se place volontairement comme un garant de la grande Culture. Pourquoi pas ? Il faut reconnaître que sur certaines phrases, Le Livre qui n'existe Nulle part atteint une élégance érudite qui fait mouche. Toujours réconfortant de constater qu'il existe encore des écrivains qui préfèrent étudier les résonnances d'un poème d'Hugo que les histoires de cul de Paris Hilton. En dressant le portrait d'un "jeune homme de son temps", sorte d'intellectuel hyper-érudit et forcément légèrement inadapté au monde contemporain, Jouffroy clame son indépendance et son appartenance à une époque passée et bénie (il a paraît-il été un proche de Breton, de Michaux et de Duchamp). Pourtant, son style, bien que très précieux et travaillé, n'en reste pas moins étonamment vivant, jusqu'à atteindre à un lyrisme joyeux à la Miller dans les dernières pages, ou dans la description d'un voyage en Grèce (décidément, la Grèce incite au lyrisme).

Mais... pour une de ces phrases de joailler, pour un de ces paragraphes parfaitement dosé, il faut se fader des pages et des pages sans aucun intérêt, ni dramatique, ni stylistique. Jouffroy, sous couvert de parler de son personnage, sous un camouflage de modestie, ne cesse de tirer la couverture à lui, jusqu'à l'énervement. D'accord, le gars a beaucoup bouquiné, d'accord il lit Le Monde 2 plutôt que Pif Gadget ; mais est-ce nécessaire pour autant de la ramener sans arrêt avec cette thématique du "cercle fermé" dans lequel ne se placent que lui et ses lecteurs intellos ? On a trop souvent l'impression de suivre les piètres "aventures" (le mot est trop fort) d'un boubourge élitiste et hors du monde, là où le projet initial (dresser le portrait d'une génération perdue, celle des derniers érudits) pouvait laisser la place à un livre joyeux et presque anarchiste. Ses moqueries concernant l'Académie Française et ses accès de modestie concernant le nombre de ses lecteurs ne trompent pas : Jouffroy est bel et bien persuadé de pondre un chef-d'oeuvre, et adopte bien souvent la posture adolescente de "l'écrivain-sans-succès-parce-que-trop-pointu". Ses références littéraires, au moins, savaient mettre de la vraie joie dans leurs obsessions intellectuelles : Rimbaud, Miller ou Nietszche avaient atteint une "solarité" que Jouffroy ne touche qu'à de très rares endroits. A l'image de son titre crâneur,  Le Livre qui n'existe Nulle part est finalement assez prétentieux sous des dehors de petite chose dépassée. Un livre de prof de fac, pas d'écrivain.

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