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Shangols
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15 juillet 2007

Paris nous appartient de Jacques Rivette - 1960

En pleine Guerre froide, Rivette signe un premier long qui nous baigne dans l'espionnite aigue. Une mystérieuse organisation semblerait être capable de supprimer un à un tous ceux qui rêvent d'un monde plus libre - on a même droit à un petit extrait du Metropolis de Lang. Toutes ces suspicions se dégonfleront vers la fin du film comme si la paranoïa était finalement plus dangereuse que le reste.

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J'ai beau avoir un gros faible pour tous les films de cette période bénie, je ne voilerais point néanparis_nous_appartient_1_200_1_moins un certain ennui latent dans les enquêtes menées par Anne Goupil qui se fait un plaisir de mettre son nez un peu partout: des répétitions du Pericles de Shakespeare en soirées molles, de balades dans des quartiers parisiens déserts (Jacques Rivette donne toujours l'impression d'avoir chassé à la bombe atomique tous les figurants potentiels - il reste le seul à pouvoir filmer une bataille de Jeanne d'Arc avec 14 figurants dont 8 techniciens) en sous-bois, on suit cette héroïne qui croisera un Chabrol mince mais un Godard avec déjà des lunettes noires. Il y a un petit exemplaire des Cahiers du Cinéma qui traine sur le mur d'une pièce et en dehors de ces aspects bien triviaux je dois avouer que je ne me suis guère passionné pour cette histoire qui tire en longueur (faut dire aussi qu'ils faisaient des travaux en bas et que cela m'a porté sur les nerfs, pour l'anecdote). C'est un peu pauvre, jeune homme, mais en dehors du fait qu'il faille reconnaître une véritable direction d'acteurs rivettienne, un casting qu'il parsème toujours de jeunes filles en fleurs, je ne vais pas chercher à me forcer à apprécier ce coup d'essai: si la légèreté de la mise en scène est évidente, il manque une grosse dose d'humour chez tous ces jeunes gens qui se prennent bien au sérieux (un militantisme souvent assez grossier d'ailleurs) - et ça, je dois avouer qu'au bout d'un moment, ça me fatigue un peu.   (Shang - 16/04/07)

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18465884_w434_h578_q80Prêt à reconnaître tous les défauts énoncés par mon camarade sur ce film, je serai quand même moins sévère que lui. Paris nous appartient est vraiment intéressant, ne serait-ce que parce qu'il arrive d'un endroit où on ne l'attendait certes pas, quand on ne connaît comme moi de Rivette que ses films très récents. Dès les premières images, ce sont les références du gars qui surprennent : une multitude modèles sont convoqués là-dedans, et cette fois-ci pas des modèles littéraires (bien que Flaubert vienne souvent faire un tour là-dedans, aussi bien L'Education Sentimentale que Madame Bovary), mais cinématographiques. Les plus évidents : Hawks, Hitchcock ou Aldrich pour l'étonnant aspect noir du film ; Rosselini pour l'esthétique hyper-sociale de l'ensemble ; Bergman ou Welles pour la profondeur des caractères, et les rapports entre les personnages. Rivette réalise un vrai film de cinéphiles, qui a bien ingurgité les anciens pour produire quelque chose de franchement nouveau. Le vrai miracle est là, dans cette réussite du mélange entre un certain classicisme surtout américain) et le contexte Nouvelle-Vague. Voir Paris filmé sur fond de jazz baroque, de cythares détraquées, ou de rythmes à la Herman ne manqua_20Paris_20nous_20appartient_20BFIV656_3_1_e pas d'originalité, et le film étonne vraiment par ce mélange improbable parfaitement réussi.

D'autre part, niveau scénario, on est là aussi dans le très grand, avec ce mélange d'espionnage "pour rire" et de tragédie moderne, avec ces brusques incursions du théâtre comme catharsis du drame en train de se jouer (le metteur en scène cite pratiquement Brecht, et à bon escient), et cet esprit nihiliste qui contamine la jeunesse d'avant 68. Rivette brasse tous ces thèmes avec beaucoup d'élégance. C'est vrai que le film est un peu plombé, manque de la légèreté si savoureuse 18748653_w434_h289_q80dans Va Savoir, par exemple, mais il faut reconnaître que l'ambition de l'ensemble était énorme et qu'elle est parfaitement tenue. Moins convaincu que Shang, par contre, sur le jeu des acteurs, un peu pâlots.

Avec ce premier film, Rivette installait déjà avec brio et courage les bases de son style : classique, littéraire, sérieux, exigent, mais en même temps aux aguets sur le monde contemporain et ses esthétiques. Même sans connaître la suite de sa brillante carrière, on peut dire : "prometteur".   (Gols - 15/07/07)

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