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31 mai 2007

LIVRE : Face aux Verrous d'Henri Michaux - 1954-1967

Sans_titreDe temps en temps, un petit tour dans les livres du plus grand poète du XXème siècle peut faire toucher le bonheur du doigt. Non pas que Face aux Verrous soit vraiment placé sous le signe de la fête pouet-pouet et des cotillons. Mais il y a toujours chez Michaux cette façon très douce et très (osons un mot banal) belle de parler de choses affreuses, et on sort finalement de ce livre plus lucide et plus calme.

Grande variété de tons dans ce recueil : on y passe de poèmes très abstraits sur le mouvement, inspirés de dessins brossés par la maître, à un long récit presque dantesque sur de mystérieuses ombres dangereuses qui menace une morte, des délires d'un homme transformé en insecte (et qui copule avec une chenille) à une série de maximes quasi-lettristes. C'est d'ailleurs dans cette dernière partie que Michaux développe avec le plus de génie son humour étrange, avec des phrases définitives comme "Celui qui parle de lion à un passereau s'entend répondre : tchipp", ou "Poux de baleine ne grossissent pas", ou encore, plus abstrait, "Quand le son devient aigu, jetez la girafe à la mer"... On le voit, le bestiaire du sieur est étendu, comme toujours, et on sent dans ces courtes phrases un ancrage très ferme dans les choses concrètes de la nature, dans les émotions simples déclenchées par les animaux. Toujours été touché dès qu'on écrit le mot "girafe" ou "hippopotame", moi.

A côté de ces mini-poèmes lumineux et taquins, Michaux n'oublie pas de nous asséner ses célèbres fresques absurdes sur la dépression, la mort, la solitude, dans des constructions de phrases toujours bluffantes, toujours surprenantes. Le gars torture la grammaire sans forfanterie, ou plutôt en retrouve les arcanes et les beautés originelles, par de simples moyens (inversions de mots ou de groupes, réhabilitation de verbes placés là pour leur seule résonnance, utilisation hyper-subtile de la ponctuation...). Ces longs poèmes sont d'une tristesse terrible, et ils ont pourtant un pouvoir, magique sûrement, de dopage sur le pauvre lecteur que je suis. Comme de longues plaintes chantées sur une toute petite mandoline, dirais-je.

Bon voilà quoi, encore une fois, un chef-d'oeuvre sous la plume du brave Henri, dont il faut bien sûr lire l'intégralité de l'oeuvre. Personellement, j'en vois le bout, à vous de jouer.

Commentaires
A
Girafe ...<br /> Hippopotame ...
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