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Shangols
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22 mai 2007

LIVRE : Inquiétude (Tales of Unrest) de Joseph Conrad - 1932

2070375218_enquietudeInquiétude aurait pu tout autant s'appeler "trahison": c'est en effet le thème des deux nouvelles ("Kairin: un souvenir" et "La Lagune") qui encadrent le recueil (la veine des aventures malaises, avec l'emploi d'un conteur qui livre le secret de sa vie, sûrement les deux plus achevées), lorsqu'à chaque fois un homme avoue avoir trahi son frère pour l'amour d'une femme - une décision qui le hantera jusqu'à ses derniers jours. Conrad excelle dans sa façon de planter un décor, de conter la remontée d'un fleuve ("Nous laissâmes le fleuve derrière nous, enfilant à toute allure de clairs chenaux parmi les hauts-fonds, longeant le sombre rivage, côtoyant les plages de sable où la mer parle tout bas à la terre"), ou le halo mystérieux d'un personnage rongé par le secret et la faute. La nouvelle centrale, "Un Avant-poste du progrès" vaut également le détour avec le récit de deux beaufs en charge d'un très lointain comptoir totalement isolé ("De conserve ils ne faisaient rien, absolument rien, et ils prenaient un plaisir conscient à cette oisiveté pour laquelle ils étaient payés. Et avec le temps ils en vinrent à éprouver l'un pour l'autre une sorte d'affection" - toute ressemblance avec certains expats à Shanghai est le fruit du hasard). Une amitié qui sous les coups de boutoir de la solitude et de la faim va peu à peu s'effriter, les deux finissant par trahir leur vraie personnalité en se dressant l'un contre l'autre - une issue fatale se dessine à l'horizon... La nouvelle "Les idiots" se passe en Bretagne et met en scène un couple maudit des Dieux qui va enfanter quatre idiots. Trahison du ciel, hasard malveillant, l'homme finira par incarner la colère ambulante alors que la femme tombera dans la folie. Enfin dans "Le Retour"  que Conrad décrit lui-même comme un "ouvrage de la main gauche", une femme quitte son mari avant de lui revenir. On suit longuement les états d'âme de ce dernier et si l'on doit reconnaître tout le talent de Conrad pour enchaîner les dérélictions de son héros, le récit n'en est pas moins un peu laborieux et poussif; une trahison conjugale qui conduira l'homme à mener un combat contre lui-même.

Pour conclure cette jolie petite phrase de Conrad dans sa note de l'auteur: "Plus tard seulement je compris que, pareil en cela aux autres hommes, rien ne pouvait me délivrer de ma fatale identité. On n'échappe pas à soi-même". Et non mon bon.

Commentaires
S
Conrad, quelle force... Je le lis et aussitôt dans mon sang une petite voix (celle du Loulou) me susurre "I wish that I'd sail the darkened seas on a great big clipper ship" etc.<br /> <br /> Je me demandais si vous aviez visionné le film de Hugo Vieira da Silva. Je serais curieux de connaître votre point de vue. Je l'ai trouvé assez fascinant.
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