LIVRE : Doggy Bag saison 4 de Philippe Djian - 2007
Eh bien ma foi, ce quatrième opus est toujours une horreur au niveau de l'écriture, c'est même de pire en pire; on se demande vraiment si qui que ce soit, aujourd'hui, relit les manuscrits de Djian avant de les éditer. Le coup des répétitions de phrases inlassables (voir mon brillant texte sur l'opus 3, ici) devient franchement un gros cable, ça en devient agaçant. Bon, là, il a trouvé la touche italique sur son ordinateur, et du coup ses répétitions deviennent un peu plus jolies sur la page (genre, de mémoire : "Avait-il reçu les foudres du ciel sur la tête ? Les avait-il reçues ?" ou "Tu sais que je suis ton fils, dois-je te le rappeler ? Je suis ton fils, tu sais ?", et le reste à l'avenant.) Ce système (car c'en est un, et grossier) va finir par se voir, Philippe, méfie-toi.
Par ailleurs, Djian a l'air de croire que pour parler des "âmes d'aujourd'hui" (comme il l'annonce dans sa préface), il suffit de les planter dans un contexte fait de bidules à la mode, de musiques branchées ou de marques repérées. Le gars a lu Bret Easton Ellis, mais en tenant le livre à l'envers, clairement : on a donc droit, pour faire moderne, à toute une liste de disques que les héros écoutent en boucle (bon choix, je dis pas, bien branchouilles, trop class, le gars n'écoute pas Jean-Jacques Goldman j'aime autant vous le dire) en "tombant à genoux", à quelques livres idemement trop cools, etc. Djian était plus modeste dans le beau Ardoise que dans ces listes qui apparaissent à des endroits totalement improbables. Ca lui attire sûrement le regard énamouré des filles, mais ça ne suffit pas du tout à planter un contexte, ni politique ni social, c'est complètement raté. Jusqu'à cette infâme phrase de petit malin, destinée à se mettre pour pas un rond le lecteur dans la poche : "Alleluia, comme aurait dit ce chanteur canadien qui écrivait de si beaux livres" (si vous avez reconnu Cohen, vous êtes du clan ; sinon, vous êtes ringard... quelle merde).
Bon, une ou deux qualités quand même au milieu de toute cette caisse à outils de maçon débutant : une volonté de calmer le jeu au niveau de l'action, qui fonctionne assez bien (il se passe peu de choses dans Doggy Bag saison 4, à part un énorme coup de théâtre bien vu à mi-parcours) puisqu'elle permet de mieux dessiner les personnages, de mieux redéfinir les rapports entre eux ; quelques scènes assez marrantes (un dogue allemand carbonisé dans un arbre (oui) ; une séance de thérapie chez les drogués du sexe...) ; et UN paragraphe très joli, le seul qui rappelle vraiment le Djian que j'aimâs dans les années 80, et qui se trouve page 206, lors de la préparation d'une kermesse de charité : "Au bout d'un moment, ils firent une pause pour boire une orangeade. Des particules de textile voletaient dans la lumière. Quelques scouts fermaient des cartons." Je rigole pas : je trouve tout ça sobre, très bien équilibré, avec la petite pointe d'humour subtile, très beau paragraphe. Et je rigole pas : c'est le plus beau paragraphe du livre, c'est dire.
Ah, et j'ai la preuve que Djian lit ce blog : il refait le coup, cette fois très ostensiblement, pleine page, du "Au temps pour moi" qui déclenchât mes foudres lors de mon puissant texte sur l'opus 2 (ici), ce en quoi j'avais tort, paraît-il. Ca va, ça va, je m'excuse...