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19 avril 2007

Ivan le Terrible (1ère et 2ème partie) (Ivan Groznyy I / Ivan Groznyy II: Boyarsky zagovor) (1944-1958) de Sergei Eisenstein

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Pas facile de se complaire d'un petit billet d'humeur devant cette oeuvre cinématographique écrasante aux multiples facettes, aux multiples lectures, aux images (et à la musique) saturées de références et de signifiants. Un peu d'humilité donc de ma part (pas le choix) et de compassion de la vôtre, merci.

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La première partie nous fait part de l'accession au pouvoir de cet Ivan, couvert de piécettes d'or, sous le regard intrigué d'intriguants qui n'auront de cesse de vouloir lui donner la monnaie de sa pièce. Une galerie de portraits presque surréalistes comme seul Eisenstein (ou Fellini dans un autre temps) sait les faire, chaque personnage, chaque composition d'image méritant presque un arrêt sur image pour qu'on y note chaque détail. La conspiration, le doute, la paranoïa transpirent à chaque image avec ces gros plans sur les regards ou sur un oeil unique quand ce n'est pas dans la représentation picturale d'yeux avec ces immenses fresques qui envahissent les murs: Big Brother est en place, bien avant Orwell qui n'a rien inventé (le gars Staline a pas dû forcément être content, même si c'est la seule partie qu'il autorisera à sortir). Il y a également ce jeu superbe sur les ombres dont cette tête immense du tsar sur le mur lorsqu'il donne l'ordre de partir à la conquête du Sud et de l'Ouest du territoire, avec ce squelette de mappemonde dont l'ombre gigantesque apparaîtera également sur le mur: un petit peu de mégalomanie, c'est clair. La mise en scène n'est jamais en reste avec ce ballet magique de plats en forme de cygnes blancs lors du mariage d'Ivan avec Anastasia ou ces coupes levées par les invités, deux motifs que l'on retrouvera dans la seconde partie. Il y a un nombre incroyable d'images fortes comme ce regard d'outre-tombe que lance un Ivan allongé et mourant sous un livre de prière, observant les traîtres en action. Le bougre ne va point mourir et se fera justice dans les minutes qui suivent sa résurrection.  Le gros plan sur la coupe remplie de poison destinée à sa femme, avec juste cette main qui apparaît en bas à droite de l'écran, est tout autant impressionnante et on pourrait multiplier à l'infini ces remarques pour chaque séquence. Cette partie se finit par une procession avec 45673 figurants, le peuple venant tirer le Tsar de sa retraite, lui permettant ainsi d'accomplir un retour en fanfare qu'il avait machiaveliquement prévu. On pourrait écrire trois pages rien que sur sa petite barbiche droite comme la justice mais passons.

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La seconde partie s'ouvre sur la conspiration du roi de Pologne avec le prince, ancien ami et partisan du tsar, qui se vend à sa cause dans un décor qui fait automatiquement penser à un immense échiquier. Chaque pion semble en place mais le tsar est loin d'être mat (il sera même en couleur, dans des lumières rouges et vertes qui, au regard de l'esthétisme de l'ensemble a malheureusement un peu vieilli - faut bien que je me permette une petite critique quand même). Dans un flash-back qui nous montre le jeune Ivan, on comprend d'où vient cette haine pour les "Boyards", ces princes qui l'entourent et à qui il veut casser les reins (et aussi couper la tête) en les remplaçant dans sa garde rapprochée par des gens du peuple; Ivan rend ces Boyards responsables (à raison) de la mort de sa mère et cette image traumatisante de son enfance explique en partie sa folie meurtrière [Yuri Trivia, dans le dvd de la collection Criterion, étudie le "vocabulaire visuel" d'Eisenstein de façon ultra pertinente, et bon c'est po facile de ne pas tout reprendre à son compte... le parallèle qu'il fait entre cette séquence où l'on arrache la mère et l'enfant et celle plus tard où l'on arrache Vladimir (jeune prétendant débile au trône) à sa mère est tout simplement génial: la présence de ce rayon de lumière, la position inversée des personnages, le symbolisme de la naissance et de la mort, fusil, c'est du grand art et l'on se sent à côté comme deux petites chaussettes mouillées...]. Toute la complexité du personnage Ivan est de même parfaitement illustrée dans cette salle immense avec à un bout du plafond ce visage en forme de soleil (sa volonté de faire partager les biens du royaume au peuple) et ce visage lunaire à l'autre bout (son côté sombre, sa soif de pouvoir, son besoin d'écraser au fur et à mesure tous ses opposants (là, le camarade Staline a dû craquer...)). L'ultime séquence shakespearienne où Vladimir est assassiné par un traître qui le prend pour le tsar (un scénario mis en scène par le tsar lui-même - on plonge dans les abîmes, eheh) avec cette procession (là encore) d'hommes en noir qui défilent comme des fantômes sur le mur finit par nous clouer, c'est tout simplement magistral.

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Bon, pas la peine non plus de gloser pendant des heures, Eisenstein est un génie ; ce n'est pas moi qui ai découvert qu'ici tout était résolument terrible.

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