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Shangols
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13 avril 2007

Mémoires de nos Pères (Flags of Our Fathers) (2006) de Clint Eastwood

18464397Bon, c'est toujours comme ça avec Clint. A chaque fois, on dit "c'est pas le meilleur, mais c'est vachement bien quand même". Ben voilà, Flags of Our Fathers, c'est pas le meilleur, mais c'est vachement bien quand même.

Ce qui fait que c'est pas le meilleur, c'est que pour le coup, le gars Clint tombe définitivement dans ce qui est le plus agaçant chez lui : son côté cucul la praline. Le film est très niaiseux dans les idées de scénario, notamment toute la fin, décidément beaucoup trop mièvre, mélo et longue. Il nous refait le coup de Madison, avec ce fils fier de son père qui retrouve dans un vieux coffre poussiéreux les objets du passé, et qui retrace la vie de son vieux. Au son d'une musique mielleuse, Eastwood tombe dans ses travers sépias, s'attarde trop longuement sur un père qui meurt dans les bras de son fils (je pense que Clint n'a jamais vu quelqu'un mourir, c'est pas possible), et nous sert une soupe nostalgique qui passe à côté. Sur cette fin, de nombreux plans sentent le réchauffé, et on les attend 15 minutes à l'avance. Le dernier plan, qui montre des soldats qui se baignent dans la mer d'Iwo Jima après avoir croisé l'enfer, est téléphoné come pas possible. Et c'est le cas de nombreuses idées au cours du film : le soldat alcoolo qui finit dans la dèche, le héros qui soutient son camarade perdant ses tripes, les blagues de potache du régiment, etc. On est souvent dans le cliché le plus éculé, et Eastwood arrive un peu tard dans l'univers du film de guerre pour avoir encore réellement quelque chose de neuf à filmer.

D'autre part, et c'est aussi un défaut récurrent du gars, les personnages secondaires sont massacrés au18677802 profit des principaux. Trop caricaturaux pour être crédibles, ils désservent un discours pourtant intéressant sur le vrai visage de l'héroïsme et sur l'utilisation des symboles en temps de guerre. Ce n'est pas en faisant des bureaucrates militaires des pantins crétins qu'on dénonce le mieux la guerre, à mon avis. La fiancée stupide, les Américains moyens en goguette, les jeunes recrues naïves qui finissent une balle dans le cou, les journalistes avides de scoop, tout ça est tracé à trop gros traits et enlève de la puissance au film.

Bon, mais ce qui fait que c'est quand même vachement bien, c'est la construction du film. Eastwood a la brillante idée d'articuler son scénario autour de deux grands "pics" visuels : d'un côté, un groupe de yankees pris en photo en train de hisser le drapeau ricain sur une colline d'Iwo 18677801Jima ; de l'autre, les mêms Ricains refaisant le même geste sur une colline de papier mâché devant 10000 personnes. Entre les deux plans, Eastwood laisse apparaître les différences qui font l'absurdité de la guerre. Déclaration d'amour à la puissance du cadre et du hors-champ, dénonciation de la faculté qu'ont les politiques à s'accaparer une image pour en faire un symbole, subtile mise en regard de deux faits, l'un terrible (le massacre de la guerre), l'autre trivial (la publicité), il y a tout ça dans cette brillante idée. Autour de ces deux pôles, Clint tourne, se rapproche, s'éloigne, développe, retient ses images, approfondit, ouvre d'autres points de vue... Son film, très large dans un premier temps pour les scènes du débarquement, s'élargit encore plus, dans un deuxième temps, autour de ces trois faux héros pris dans le tourbillon médiatique. Les acteurs rendent merveilleusement cette absurdité du jeu social face à l'enfer qu'ils ont vécu, et la mise en scène, ample et en même temps intime, leur rend franchement justice.

Il y a des moyens dans Flags of Our Fathers, c'est clair. Le gars n'est pas avare pour ce qui concerne les18669169 tanks et les bateaux, il doit y avoir l'équivalent de 15 Stades de France en figurants, et le budget plasma et explosions de ventres est à la hauteur (production Spielberg, messieurs-dames). Et c'est vrai que le film est très impressionnant dans la reconstitution de la bataille. Mais c'est aussi et surtout dans les rêveries autour de la solitude qu'il convainc le plus, quand il montre un soldat abandonné sur son lit, où un blessé qui meurt seul dans la poussière. De la bien belle ouvrage, somme toute.   (Gols - 13/01/07)

 


 

 

medium_flags_of_our_fathers_photo_01_1_Pas grand chose à rajouter à l'analyse de mon cher compère: le Eastwood connaît très bien toutes les ficelles, pour le meilleur (la construction de l'ensemble, éclatée au départ à l'image de ces soldats détruits moralement et psychologiquement, plus resserée sur la fin, comme pour mieux tenter d'isoler les bouleversements et les souvenirs intimes de chacun dans ce drame guerrier) ou pour le pire (comme le souligne Gols, un arrière goût de déjà vu, aussi bien dans ce débarquement de folie (Saving Private Ryan), dans l'image gris métalisée (Band of Brother), que dans ces scènes incontournables du genre, la balle dans la gorge, la fiancée opportuniste...). Ce qui ressort de l'ensemble, c'est tout de même un sentiment de nostalgie profondément triste, chez chacun de ces personnages qui ont été pris, utilisés, pour ce qu'ils ne sont pas (des héros au sens Marvel, les trois survivants n'ayant même pas dréssé le drapeau à l'origine) ou qui n'étaient pas ce pour quoi on les a pris (ce ne sont en rien de grands combattants qui veulent sauver la Patrie, idéal dont les médias et le Gouvernement se font les gorges chaudes, simplement une bande de potes, avec leur petits travers, jetés dans une tuerie où les règles du jeu n'existent pas.) Eastwood avec ses 2345 ans d'expérience du cinéma (Clint is the Spirit of Movie) apporte à l'ensemble (un peu comme dans Space Cowboys ou Unforgiven) toute sa "roublardise" désillusionnée et réalise un monument à la victoire (son grand côté icône américaine) dont il ne reste au final qu'un méchant goût de cendre, de papier mâché, dans la bouche: c'est dans cette fêlure, dans cette remise en cause constante des institutions politiques et médiatiques, dans cette réutilisation des clichés qu'il épuise jusqu'à la trame (puisqu'il en fait la trame même, ehehe), que Flags of our Fathers prend toute sa saveur. Et son sens. Le film ultime sur la guerre de 39-45? Clint ce héros au sourire si doux... et amer.   (Shang - 13/04/07)

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