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19 mars 2007

LIVRE : Les Vivants et les Morts de Gérard Mordillat - 2004

Sans_titreLes Vivants et les Morts fait 830 pages et se lit comme s'il en faisait 100, ce qui est bon signe et prouve la tonicité de cette trame fascinante. C'est bien simple, c'est le meilleur bouquin que j'aie lu sur la mondialisation, la sacro-sainte flexibilité brandie par nos amis du MEDEF, sur les licenciements massifs qu'on découvre chaque jour dans les journaux, sur le chômage ordinaire d'ouvriers ordinaires dans une ville ordinaire de cette planète ordinaire. Mordillat suit pas à pas les combats d'un groupe de personnages qui tournent autour d'une entreprise, la Kos, contrainte de fermer ses portes pour cause de globalisation de marché et d'indifférence de la part des patrons. Des premiers wagons de licenciements à la fermeture définitive, on reste au plus près de ces personnages perdus, révoltés, violents, desespérés. Jamais l'auteur ne lâche les semelles de ces hommes banals confrontés à l'horreur de la croissance et du rendement.

La grande force de ce bouquin, c'est son absence totale de manichéisme : les "méchants" ne sont pas là, tant ils sont symboliques, abstraits. On comprend bien que la Kos a été rachetée par des Allemands, puis des Américains, mais comme il se doit, ceux-ci ne sont que des noms de conglomérats financiers, et les ouvriers ne se battent que contre du vide. Le grand thème du livre (la solidarité, la résistance, la révolution) est parfaitement rendu par ce choix de construction. Tous ces gens, populos ou responsables politiques, syndicalistes ou épouses solidaires, se battent ensemble, contre un géant qui les dépasse totalement. Jamais on n'avait aussi bien rendu "de l'intérieur" la force de ces pauvres gens "non réconciliés", de ceux qui hurlent dans les manifs, qu'on regarde avec pitié sans vraiment s'intéresser à eux. Mordillat en fait les êtres intelligents, concernés, politisés (au bon sens du terme) qu'ils sont réellement, et leur rend enfin justice avec un souffle vibrant. L'autre grand talent des Vivants et les Morts, c'est son côté populaire, cette volonté assez émouvante de renouer avec une littérature à la Steinbeck, à la Zola, en faisant du social et de la politique tout en développant une intrigue serrée et pleine de rebondissements. Les chapitres courts, la masse de personnages principaux (une vingtaine au moins), la simplicité de la trame, et l'engagement sincère qu'il met dans son livre, tout ça rappelle les grands moments de Germinal ou de En un Combat douteux, bonnes références s'il en est.

Mais... mais... mais, il faut bien aussi le signaler, tant ce défaut gâche en grande partie la lecture de ce pavé : l'écriture de Mordillat est horrible. Le gars ne semble connaître que la structure sujet-verbe-complément, et ses phrases sont la plupart du temps très moches. D'accord, il veut faire de la littérature populaire, facile, pour toucher plus profondément le coeur de ce combat de petites gens. Mais l'indigence de son style est quand même effrayante. On obtient des phrases du style : "Dallas appelle Rudy pour lui dire qu'elle l'aime : - Je t'aime, Rudy" (j'invente, mais je vous jure que c'est ça), et cette pauvreté d'écriture fait trop souvent tomber le bouquin dans de la littérature de gare. Certains passages sont même plus proches de la sitcom que de la littérature, notamment tout ce qui concerne les histoires de cul des uns et des autres. Quand il écrit une scène de sexe, Mordillat tombe dans tous les clichés du genre, avec force "élans qui l'emportent loin" et moult "elle pressa sa fente contre sa main". Une horreur. Voilà qui handicape pas mal la lecture de ce livre qui reste fascinant dans son fond, et qui reste quand même le meilleur truc à lire pour comprendre le monde que nous prépare Sarko.

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