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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
13 mars 2016

Feux dans la Plaine (Nobi) (1959) de Kon Ichikawa

cov_20fires_20on_20the_20plain_1_Si jamais vous cherchez un film sur l'horreur et la déshumanisation en temps de guerre, je crois que ces Feux dans la Plaine peuvent remporter le ponpon. Ichikawa livre une oeuvre d'une réelle cruauté sans être totalement dépourvue de poésie, et même si j'ai pas fait la guerre en 45 aux Philippines au côté des Japonais, j'imagine que cela devait être guère plus agréable...

Le première classe Tamura se fait traiter comme du poisson pourri dès la séquence d'ouverture par son chef qui l'envoie paître grave: il lui conseille de retourner illico à l'hôpital, on a que faire sur le front de branle-manette dans son genre incapable d'aider à la tâche (il a la tuberculose le pauvre et est déjà tout tremblant); il n'est qu'une bouche supplémentaire à nourrir, c'est déjà la croix pour trouver un bout de patate, alors rompez. Tamura, véritable âme errante, va alors partir en quête d'un quelconque abri, balloté entre les divers bombardements mais également véritable miraculé (tout le monde crêve sauf lui) faisant penser jusqu'au bout qu'il s'agit plus d'un fantôme que d'un homme. Ah oui, des carnages, il y en a à la pelle, ainsi que des charniers en tout genre, avec corps en tas à la sortie d'église ou éparpillés à flanc de colline. Tamura, simple d'esprit, passe à travers les balles, et se nourrit de tout ce qu'il peut trouver, sauf la viande car alors ses dents se barrent direct.

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Certaines séquences arrachent tout de même des sourires comme celle où un homme trébuche sur un corps, les hommes qui le suivent se jetant à terre croyant à une attaque; coup de bol justement ils se font pilonner mais certains tout de même ne se relèveront plus jamais... Il y a aussi une séquence très beckettienne où, à la file, plusieurs soldats changent leur paire de chaussures, le premier prenant des chaussures en bon état échouées au bord de la route, le suivant prend les chaussures qu'il a laissées, le dernier se retrouvant avec des godasses sans une once de semelle qu'il décide tout de même de prendre, l'absurdité de la situation ayant un aspect comique assez déchirant. D'autres séquences, lorsque Tamura retrouve des soldats de plusieurs compagnies, semblent sorties tout droit d'un film de mort-vivants, tant ces bandes de soldats déchiquetés avancent avec une énergie du désespoir inhumaine, tout branlant de fatigue. Lorsqu'ils tombent sous les balles, souvent leur corps s'écroulent d'un bloc, face contre terre, dans la boue, comme des mécaniques qu'on aurait soudainement débranchées - un cadavre, allongé sur le dos, les doigts croisés, semble même beaucoup plus tranquille mort, ses camarades finissant presque par l'envier. Tamura erre, s'approche de la folie douce, mais refuse de tomber dans le cannibalisme comme certains de ses compagnons, gardant encore un millième de dignité - il finira par se diriger vers une colonne de fumée autour de laquelle doivent se trouver des paysans philippins faisant brûler des écorces de  maïs dans l'espoir de "retrouver enfin des gens normaux". Une dernière rafale l'interrompra dans cet ultime souhait...

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Dur, violent, absurde, cruel et désespéré - un vrai film de guerre...   (Shang - 12/03/07)


Comme le dit Shang et la jaquette du DVD (longue vie aux éditions Rimini, qui publient non seulement une version techniquement parfaite mais qui ont également de très saines lectures visiblement) : "Dur, violent, absurde, cruel et désespéré - un vrai film de guerre." Très emballé moi aussi par ce diamant noir dérangeant, qui ne fait rien pour se faire aimer, et qui rend compte de la guerre de façon hyper implacable. Dès les premiers plans, champ/contre-champ radical qui dit en quelques secondes à peu près tout du film (un homme malade, hébété, un gradé qui l'humilie et l'abandonne), on sent qu'on a affaire à une grande mise en scène. Le reste sera à cette hauteur : délaissant toute trame, Ichikawa filme une errance absurde assez proche d'un Buzzati au milieu d'une guerre monstrueuse peuplée de gens déjà morts. Ce côté "zombies" fait merveille, chaque épisode, chaque acte, chaque décision, chaque mort semblant totalement vidés de signification. Le film prend le rsique de l'abstraction, uniquement préoccupé par son but : atteindre la sève de l'absurdité de la guerre, vider de tout sentiment les actions de ses personnages. Le pessimisme forcené de cette représentation fait effectivement froid dans le dos : sans aucune porte de sortie, qu'elle soit morale ou "naturelle" (les paysages sont glaçants), le film prend tout son temps pour dévoiler peu à peu la monstruosité intrinsèque des hommes, et le retour au cannibalisme dans les dernières bobines apparait aussi bien comme l'apogée du genre choisi (le film de morts-vivants) que comme une claque morale adressée à l'Humanité. Brutal et radical, Feux dans la Plaine peut se faire aussi parfois assez drôle, d'un rire très macabre disons, dans ses excès baroques (le chien embroché sur la baïonnette, les seconds rôles pathétiques), dans son montage, et dans l'aspect presque burlesque de son personnage principal (énorme Eiji Funakoshi). Une sorte de tourbillon d'émotions contradictoires, quoi, un chef-d'oeuvre, dur, violent, cruel et desespéré, un vrai film de guerre (citation libre de droits).   (Gols - 13/03/16)

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