Printemps tardif (Banshun) de Yasujiro Ozu - 1949

Comme tous les scénarios du maître, celui de Printemps Tardif tiendrait sur un timbre-poste : un père fait croire à sa fille qu'il va se remarier pour lui permettre de se marier elle-même sans crainte de le laisser seul. Et après ? En ben après, rien, juste ça. Encore une fois, ce n'est pas sur la trame que repose le talent d'Ozu, et une nouvelle fois ce film fait la preuve éclatante de ce que peut donner la pudeur et la discrétion au cinéma.

Parce que là, les enfants, on est dans la subtilité totale. Si Yasujiro n'a pas encore totalement radicalisé son style, il y a dans certains plans des épures hallucinantes. Comme par exemple ces jardins japonais (du sable et trois rochers, on n'est pas à Versailles) sur lesquels la caméra s'attarde longuement, prolongement du monde intérieur des personnages, entre apaisement zen et angoisse de la solitude ; ou encore cette sublime séquence au théâtre, où ce qui se passe sur scène (c'est du nô, assez ardu) se décale petit à petit dans la salle, par des jeux de regards et de perspective émouvants en diable : c'est la plus belle scène du film, dans laquelle direction d'acteurs (géniale) et placements de caméra s'harmonisent pour exprimer les non-dits subtils des rapports entre les personnages ; ou enfin, comme ces plans coupés bien après la sortie des acteurs, où Ozu filme des pièces vides, menant sa scène jusqu'au bout du bout.

La lenteur du jeu des acteurs, leur lumière intérieure qui irradie chaque sourire, chaque doute, l'attention "effacée" de la mise en scène aux minuscules tressaillements des coeurs, les envies adorables de scènes d'enfants, la rigueur toute de douceur des cadres... On est bien dans du Ozu, pas de doute. Encore une fois, révérences admiratives devant cette magie indescriptible.

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