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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
27 avril 2022

Nazarin (1959) de Luis Buñuel

grande_nazarin_1_Portrait d'un saint homme (Francisco Rabal, crédible de bout en bout) confronté aux réalités du monde ; Buñuel semble chercher aussi bien à nous montrer l'inadéquation de ce comportement christique avec les attentes de son entourage, qu'à nous montrer les limites de cette attitude qui consiste toujours à donner sans jamais vouloir recevoir, le père Nazario achevant son chemin de croix dans un état semi-comateux.

C'est un bon bougre ce père : il se fait voler toutes ses fringues, po grave, on lui donne 2 sous, il les donne à plus pauvre que lui - un aveugle de passage -, une prostituée assassine une femme, trouve refuge chez lui, incendie son appartement, bah qu'à cela ne tienne il part en pélerinage, donnant au passage ses chaussures et ses habits à plus nécessiteux - ce qui n'est pas sans rappeler le fou dans Francesco, giullare di Dio de Rossellini... Lorsqu'on lui demande de réaliser un miracle en se portant au chevet d'une petite fille malade, il finit par accepter, étant témoin de manifestations de la part des femmesnazarin_01_1_ qui touchent plus à la superstition qu'à la foi... Po de bol, la fille guérit, et il se retrouve avec deux femmes qui décident de le suivre coûte que coûte : l'une est la prostituée du début, l'autre une femme qui tente de fuir son ancien amant. Victime de multiples rebuffades (rah il couche avec deux femmes, eh lui!) et souvent de coups - à défaut d'une couronne d'épines, il finira avec un coup au front donné par le frère du sergent Garcia en prison -, il continue de croire aux préceptes de son Dieu. Il finira tout de même par être arrêté (toujours l'histoire de la prostituée qu'il a accueillie), mis au ban de l'Eglise pour non-conformisme (le film préféré de Monseigneur Gaillot ?) et aura du mal à accepter en fin de film l'aumône qu'on lui fait, une simple paysanne lui offrant un ananas (faut dire sans couteau tu fais quoi avec un ananas quand tu es sur la route ?): est-il plus facile de donner que de recevoir ? C'est en tout cas ce que semble dire en filigrane l'histoire de la prostituée prête à s'offrir à quiconque mais qui refuse l'amour véritable d'un nain (ouais être nain au Mexique c'est pas le bon plan), l'autre femme qui l'accompagne et qui lui était dévouée finissant elle par revenir vers son moustachu d'amant qui la traite comme un sac de patates.

nazarin05_1_Si la photo de Gabriel Figueroa est de toute beauté, le film, récompensé par le grand prix du jury à Cannes en 1959, manque parfois un peu d'allant. La béatitude du prêtre confiant en sa mission finit par devenir plus pathétique qu'émouvante et la folie imaginative de Buñuel (si ce n'est dans une courte séquence où la femme repense aux promesses de son mari, avec une mise en image "flottante" de son souvenir) demeure peu présente. Superbe scène toutefois dans une étable où le père Nazario recueille sur sa main un escargot, entouré des deux femmes qui se penchent sur son épaule : comme un moment suspendu dans ce monde de brutes...   (Shang - 29/01/07)


A la fois empreint de foi et très ironique par rapport à icelle : voilà un film on ne peut plus buñuelien, peut-être pas son plus marquant formellement, non, mais un de ses plus beaux dans le scénario. On est à la fois fasciné par la bonté infinie du père Nazario et révolté par sa passivité, on voudrait à la fois qu'il aille jusqu'au bout de sa foi pour finir par atteindre à la sainteté et lui donner des claques pour qu'il réagisse enfin aux brimades dont il est cruellement victime tout au long du film. Buñuel jubile de malmener son personnage, dans une démarche très ironique et très violente : on prend le personnage le meilleur qui soit, un véritable ange sur terre, et on prouve par A+B qu'un tel être ne peut pas exister dans cette société sans pitié. Le pauvre gars subit tout, de la violence physique à la violence morale, et on est impressionné par le sadisme avec lequel le cinéaste le ballotte d'un coin à l'autre du film. Nazarin est une attaque frontale contre le piétisme, tout aussi brutale que ses films foncièrement anti-cléricaux. Mais pour le coup, Buñuel  a l'habileté de cacher ça sous une fable presque traditionnelle, avec son noir et blanc classique, son déroulement presque "biblique" (des épisodes, comme des chapitres séparés), avec ses personnages secondaires hauts en couleur. Une descente aux enfers terrible pour ce pauvre prêtre qui se déroule en pleine lumière, dans le calme, dans un ton mi-tragique mi-comique, c'est encore plus désolant. Un très beau film ambigu et douloureux.   (Gols - 27/04/22)

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Commentaires
E
Un des meilleurs films de Luis Bunuel à mon avis.
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