LIVRE : Europeana, une Brêve Histoire du XXème Siècle de Patrik Ourednik

Résumer le XXème siècle en 150 pages peut sembler un poil réducteur, et bien sûr que ça l'est. Mais le style ironico-factuel d'Ourednik est tout simplement hallucinant et parvient à en donner une image crédible bien que totalement subjective. Phrases courtes qui alternent avec de longues sorties sans ponctuation, aspect quasi-scientifique du style, répétitions des mêmes faits, des mêmes anecdotes, pauvreté du vocabulaire : tout y est pour faire d'Europeana un bouquin coup-de-poing, qui pourrait ressembler à ce que ferait Houellebecq s'il faisait de l'Histoire. Ourednik aborde de très nombreux aspects du XXème siècle, et arrive à créer une sorte de symphonie radicale autour des faits politiques, esthétiques, philosophiques, sociaux qui l'ont émaillé ; mais une symphonie à la Boulez, disons, un truc âpre, sériel, malgré l'humour du truc. Passant sans transition du nombre de tziganes tués an camp de concentration à l'évolution des poupées Barbie, des guerres de tranchée à l'existentialisme, du bug de l'an 2000 à la scientologie, du premier pas sur la Lune au niveau des nappes phréatiques, le gars utilise un procédé qui fonctionne parfaitement : par la mise en miroir de ces faits, de ces chiffres, qui n'ont rien à voir les uns avec les autres, il dresse un portrait d'un siècle ambitieux mais ridicule, terrible mais imbécile, d'une violence inouïe en même temps que d'une futilité infantile. En rapportant des faits parfois inutiles (la longueur, en kilomètres, de tous les morts de 14/18 mis bout à bout), et en les mêlant avec des pans d'Histoire ou des idées résumés en quelques mots (le nazisme, l'humanisme, le darwinisme), il crée un humour glacial, et fait apparaître une façon affreuse d'envisager le temps. Des chiffres, des hommes tombés dans l'oubli, des idées meurtrières ou absurdes de violence. On apprend certes peu de choses, mais voilà un résumé qui fait froid dans le dos. Un bouquin à ne pas mettre entre toutes les mains, en tout cas. Encore une fois : révérence aux splendides éditions Allia.

Comments

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J'ai lu l'autre de chez Allia, Instant propice 1855. C'était sur comment les utopies partent en couille (ha, comment gérer l'amour libre dans une colonie d'Amérique du Sud?), une autre brève histoire du XXème en somme...