C.R.A.Z.Y. de Jean-Marc Vallée - 2005
Voilà, je trouve, une bien bonne surprise de nos amis du Québec (ils parlent québécois ou en argot? Po facile de tout comprendre en tout cas, tabernacle) même s'il y a quelques petits défauts tarabustants: oui cette voix off de la naissance à l'adolescence en passant par l'enfance peut faire penser à Toto le Héros (grincements de dents du co-blogueur), la bande musicale qui nous amène des années 60 aux années 80 n'est pas toujours d'une originalité absolue, voire d'une certaine facilité ("Shine On You Crazy Diamond" des Flamands Roses ou "Space Oddity" du gars David, c'est bien joulie mais ça fatigue à la longue... et puis bon, il y a tout de même le grand Charles Aznavour avec "Emmenez-moi" dont les enfants se tapent une version chantée par leur père à chaque grande occasion), certes les 5 frères représentent tous des types extrêmements caricaturaux: le sportif avec la crosse, l'intello qui lit même les étiquettes de chips, le drogué méga tireur de gonzesse, le ptit dernier aux cheveux longs et enfin l'efféminé...
N'empêche, sans avoir honte de le dire, ce film frappe assez juste en particulier grâce aux relations extrêmement bien rendues entre le père et la "ptite tapette" (certaines expressions canadiennes me sont parfois passées au travers, j'avoue... obligé de mettre les sous-titres en anglais pour tout saisir, un comble amis francophones), parfaitement bien campés par Michel Côté (genre de Denis Hoper en plus sympathoche) et Marc-André Grondin (genre de Romain Duris en plus beau); le film tourne essentiellement autour de la difficulté de Zac à "assumer" son homosexualité latente et de l'incompréhension du père pour ce qu'il considère comme une anormalité; rien de nouveau me direz-vous mais tout de même, la volonté farouche de Zac à vouloir essayer de lutter contre ce qu'il a lui-même parfois du mal à comprendre, son combat face aux pressions de son père, de ses frères et tout simplement des autres, ont toujours une dimension psychologique relativement bien dessinée; Vallée ne juge pas à un quelconque moment ses personnages, il les expose dans leur petite grandeur et leur grandes faiblesses. Au bout du compte, il dresse un portrait assez sensible et touchant de cette personnalité en devenir, Zac, qui devra aller au bout du chemin - même si le voyage à Jérusalem est un peu lui aussi téléphoné - pour être en phase avec lui-même. Le père, quant à lui, se justifie de son intolérance en lâchant au final qu'il n'y a rien de plus beau que d'avoir des enfants et qu'il regrette que son fils "passe à côté", et il lui faudra perdre un fils pour qu'il finisse par accepter Zac tel qu'il est...
Cela sent un peu les grosses ficelles, certes, mais le jeu des comédiens, le naturel des dialogues et le sens de la mise en scène qui nous font pénétrer de plain-pied au sein de cette famille réusissent parfaitement à rendre le spectateur proche des motivations de chacun. Au bout de 2 heures, on a vraiment l'impression d'avoir partagé leur vie et rares sont les metteurs en scène qui parviennent à nous immerger autant dans leur univers - malgré des lourdeurs, oui. Pas CRAZY du film non, mais assez touché. (un film qui devrait plaire à mon gars Bruno, si je peux me permettre en passant). (Shang - 17/12/06)
Permettez-moi de soupirer : j'ai l'impression que les réalisateurs ne lisent pas notre blog... Ben oui, je me tue à dire à longueur d'articles que les bons sentiments sont bien mignons, mais qu'ils ne suffisent pas à faire un film, qu'il y faut un peu plus de muscle, voire de mauvais sentiments, justement. Mais non, rien à faire, les gusses continuent à nous pondre des trucs à la C.R.A.Z.Y. Et voilà, je suis obligé de recommencer.
Mon collègue fut en son temps plus que bienveillant envers ce film, y relevant juste ça et là quelques défauts légers. Je m'insurge : ces défauts font justement de C.R.A.Z.Y. un ratage quasi-complet.
- Oui, le style Toto le Héros est plus que gavant, on pourrait même dire que c'est toute une école de cinéma qui s'exprime là, une école dont les élèves seraient Jeunet, Audiard, Salles, une école qui brandit le "gentil", le "mignon", et la sacro-sainte enfance innocente comme un étendard. Décalages doux-amer et mise en scène rigolote semble être le mot d'ordre de la première partie du film : raté, c'est juste plat, pâlichon et lisse comme une boule de bowling
- Oui, la bande musicale du film est un exemple de ce qu'il ne fait pas faire. Vallée écoute des bons disques, on est d'accord, mais le problème c'est que ce sont les mêmes disques que les autres, archi-écoutés, archi-utilisés, et qui ont perdu beaucoup de leur pouvoir suggestif. Vouloir résumer les années 70 par les Pink Floyd, Sid Vicious et Bowie manque quand même un poil d'audace.
- Oui, les personnages caricaturaux gâchent complètement l'intrigue, enlèvent toute subtilité à un sujet déjà casse-gueule. Il aurait fallu d'autres pincettes pour traiter du joli thème de la sexualité adolescente envisagée du point de vue de la famille. Jamais attachants, les personnages sont des fantômes, par ailleurs pas du tout incarnés par des acteurs qui se contentent d'être beaux ou d'avoir des tronches. Exception faite de la mère de famille, dont le talent est malheureusement perdu dans la masse.
- Oui, le passage à Jérusalem finit de plonger définitivement le film dans le ridicule. Pourquoi Vallée n'assume-t-il pas sa légèreté, et se pique-t-il de faire dans l'analyse freudinne, balançant entre lourde symbolique mystique et imagerie clicheteuse de l'homosexualité ? Remarquez que le passage où le héros, lèvres fendues par la soif, peau brûlée par le soleil, agonise dans le désert, est encore le plus drôle du film, par le ridicule achevé du jeu de l'acteur et de l'idée-même. Franchement, on dirait du Lelouch.
Ajoutons que le film est trop long d'une bonne demie-heure, et laisse complètement sur sa faim, tant il échoue à parler réellement de son sujet. On sent bien que Vallée réalise là une autobiographie, côté sincérité, rien à dire. Mais sa narration reste celle d'une vie plate et sans intérêt, juse la vie d'un adolescent qui grandit. La seule bonne idée semble être passée à côté de mon collègue Shang : le héros N'EST PAS homo, rien à voir avec la révélation d'une sexualité différente, ou avec l'intolérance des proches. Disons qu'il se pose des questions sur le sexe, et essaye des tas de trucs. Le talent de Vallée dans ce scénario, c'est de faire des autres personnages des gens absolument convaincus de la différence de Zac, ce qui les amène à L'OBLIGER à être homo. A part cette riche idée, qui sort des sentiers battus, rien de bien neuf à signaler au royaume des TéléTubbies... (Gols - 07/01/07)