Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
30 novembre 2006

Ma vraie Vie à Rouen d'Olivier Ducastel et Jacques Martineau - 2003

Ma vraie Vie à Rouen me réconcilie franchement avec les Martineau/Ducastel, après l'expérienceart295_1 éprouvante de Crustacés et Coquillages (j'ai vu leurs films dans le désordre). Celui-ci est un film franchement intéressant, au niveau purement formel en tout cas.

Un jeune gars, patineur de haut niveau, ado soucieux des mêmes choses que les autres ados (les copains, l'amour, le sexe, le beau-père, la maman...), se voit offrir une caméra vidéo, et tente de filmer sa vie, dans son quotidien le plus banal aussi bien que dans ses drames et ses doutes. Par ce dispositif très simple, tout le film étant tourné par cette caméra légère, les réalisateurs réussissent parfaitement à montrer un cinéaste en train de se faire. Les images montrées, de mieux en mieux maîtrisées, cadrées, intéressantes, au fur et à mesure du film, donnent une nette impression que, en même temps que Etienne raconte sa vie, il trouve les moyens esthétiques de la raconter. On assiste donc à toute une "naissance" du cinéma, des plans heurtés et accidentels du début aux très jolis cadres sensibles de la fin. Etienne tente tout ce qui fait le cinéma : caméra emportée sur son vélo, caméra cachée, image par image, gros plans, travellings, raccords subtils, décadrages, regards caméra, et surtout p4mise en scène progressive de son monde (il fait "jouer" sa mère, filme son copain en train de dire du Corneille, traque ses souvenirs d'enfance par la seule magie du plan...). Le journal intime et maladroit de l'adolescence devient un plaidoyer de plus en plus adulte sur la différence et le monde moderne (une manifestation anti-Le Pen réelle, de longs plans d'ouvriers qui déchargent des camions, etc.), jusqu'au coming-out final : tout cela n'a servi qu'à dévoiler l'homosexualité du filmeur. Ce qui est montré est mis parfaitement en parallèle avec la façon dont on le montre. Bien vu : Martineau et Ducastel ont compris que le cinéma montre non pas le filmé, mais le filmeur. Les quelques scènes où un autre personnage attrappe la caméra d'Etienne sont révélatrices : il n'est pas acteur, il est metteur en scène de sa vie, et sa caméra-stylo ne sert qu'à filmer son intimité la plus profonde.mavie_203

Le film rappelle souvent le superbe Ten de Kiarostami, par cette tentative, vaine bien sûr, d'effacer le réel metteur en scène pour laisser le champ libre à la caméra seule. On sent que c'est effectivement le jeune acteur qui filme la plupart des scènes (on voit son ombre se profiler sur le paysage). Mais le film arrive à se retourner complètement, par une mise en abîme subtile et intelligente : petit à petit, les deux réalisateurs reviennent à l'attaque. C'est bien Ducastel/Martineau qui filment Etienne qui filme sa vie.

Alors bien sûr, le scénario du film est un peu trop écrit pour être sincèrement crédible, trop pensé pour donner vraiment cette impression de direct. Bien sûr, les acteurs sont bien souvent mauvais (Hélène Surgère surtout, qui a du mal à trouver le naturel de la chose), mis à part Ascaride, très émouvante. Bien sûr, cette métamorphose de l'ado en homo assumé est un peu cousue de fil blanc. Mais Ma vraie Vie à Rouen reste une très belle expérience formelle, quelque chose entre un bel hommage au cinéma et une expérimentation contemporaine. Chapeau bas.

Commentaires
Derniers commentaires